Abdelkader Benchamma, Au bord des mondes, 2024 Installation in situ Encre et fusain sur mur, papier marouflé sur toile et dibond, projections de films d’animations Courtesy de l’artiste et TEMPLON, Paris – Bruxelles – New York © Adagp, Paris, 2024 Photo © Centre Pompidou, MNAM-CCI/Bertrand Prevot/Dist. GrandPalaisRmn
Nommé pour le Prix Marcel Duchamp 2024, aux côtés de Gaëlle Choisne, Angela Detanico et Rafael Lain, Noémie Goudal, Abdelkader Benchamma est diplômé des Beaux-Arts de Montpellier et de l’Ecole des Beaux-Arts de Paris en 2003. Il développe un travail autour des mythes fondateurs dans des compositions spatiales graphiques entre strates géologiques et récits d’anticipation. Des mondes invisibles et morcelés où il est question d’inquiétude et de mémoire, d’énergie et de disparition, de vide et de plein. A l’occasion du Prix Marcel Duchamp, l’artiste introduit pour la première fois la vidéo. Il a répondu à mes questions.
Qu’avez-vous développé autour du Prix ?
J’ai dĂ©veloppĂ© une installation nouvelle dans cette envie de crĂ©er un environnement, un projet habitĂ© par ce que j’appelle des morceaux de rĂ©cits. Un aspect morcelĂ© qui ressort notamment dans les grandes apparitions dessinĂ©es au fusain avec ces rayons de lumière qui sortent du sol. Si l’on regarde bien il se trouve Ă cĂ´tĂ© une autre scène qui parait presque abstraite avec des personnages qui tentent de toucher le tronc d’un arbre. On se trouve Ă la limite de ce qui est visible, invisible. Les choses sont cachĂ©es ou intĂ©grĂ©es. Au sein de l’installation il se greffe de nombreuses scènes figuratives qui se cachent ou sont en train de disparaitre. L’ensemble traite de mĂ©moire, d’évènements, d’apparitions certains sont encore vivaces, se transmettent un peu comme des inquiĂ©tudes qui vont changer de formes tout en conservant la mĂŞme Ă©nergie.Â
Portrait Abdelkader Benchamma Centre Pompidou photo Hugues Lawson-Body
L’inquiétude et le mystérieux
L’inquiétude c’est aussi être aux aguets. Comme dans ce texte de Deleuze qui dit que l’inquiétude est le rapport au monde adopté par l’animal. Cela lui permet de comprendre, de s’adapter, d’anticiper. Il plane une forme d’inquiétude sur ce monde invisible qui n’est pas pour autant menaçant. Les enjeux sont : comment il se manifeste et comment nous allons tenter de le lire ; comment l’incompréhensible est donné à voir, les archétypes primordiaux, la grotte notamment qui évoque la caverne de Platon et le mythe de l’émergence primordiale. Plusieurs anthropologies pensent que les peintures rupestres des grottes pourraient venir de ce mythe. Selon ce mythe, toute forme de vie (humaine ou animale) proviendrait des entrailles de la terre. L’on retrouve ce mythe dans d’autres cultures.
L’irruption de la vidéo
La vidĂ©o et le dessin d’animation m’ont toujours intĂ©ressĂ© autour des questions de mouvement, d’énergie, d’explosion, de flux qui sont Ă l’œuvre dans mes dessins. A l’occasion de la parution du livre Random éditĂ© en 2014 par l’Association, le Frac Auvergne et le Fonds de dotation agnès b. j’avais travaillĂ© entre le story-board, la BD, le roman graphique pour aboutir Ă un livre assez ovni. Cette idĂ©e d’une matière qui va engendrer un rĂ©cit par des transformations, des contaminations. Les vidĂ©os sont tirĂ©es de ce livre. J’ai transmis des sĂ©ries de dessins Ă un animateur vidĂ©o qui les a mises en images. C’est un peu comme si j’étire le flux d’une forme de rĂ©cit avec un dĂ©but et une fin. Pour le Prix j’avais envie de pousser cette idĂ©e de dessin morcelĂ©, de percĂ©e, d’entrĂ©e qui nous emmène vers un autre univers. Comme une calotte glacière, un passage vers une autre rĂ©alitĂ©, un futur. C’est ce qui permet la vidĂ©o avec cette bascule de la 2 D Ă la 3D.Â
Nous observons l’introduction de la couleur Ă certains endroitsÂ
Il s’agit en effet d’une sorte de reflet colorĂ©. Â
Des cartes postales sont intĂ©grĂ©es : pouvez-vous nous les dĂ©crire ?Â
C’est l’une des rares Ĺ“uvre un peu plus autobiographique autour de mĂ©moire plus personnelle avec l’évocation de marabouts, des cĂ©notaphes qui symbolisent le tombeau d’un saint. Ce sont des lieux particuliers dans la religion musulmane car ils se trouvent dans des cimetières. Ils sont vides et blancs Ă l’intĂ©rieur. Enfant j’ai visitĂ© des marabouts avec ma mère et j’avais Ă©tĂ© marquĂ© par ce souvenir Ă la fois vide et habitĂ© en mĂŞme temps. Un questionnement qui m’est restĂ©. Je connecte cela Ă d’autres lieux spirituels par le vide comme dans le shintoĂŻsme Ă la suite de mes rĂ©sidences au Japon (Villa Kujoyama). J’ai eu l’occasion de collaborer avec un artiste japonais autour de dessins Ă 4 mains dans un rapport Ă la spiritualitĂ© qui prend diffĂ©rentes formes.Â
Abdelkader Benchamma en écoute @FOMO_Podcast 🎧
Abdelkader Benchamma est reprĂ©sentĂ© par la galerie TEMPLON (Paris-Bruxelles-New Yrok).Â
Infos pratiques :
Prix Marcel Duchamp 2024
2 oct. 2024 – 6 janv. 2025
11h – 21h, tous les jours sauf mardis
Centre Pompidou
Avec le soutien de l’Adiaf (Association pour la diffusion internationale de l’art français).Â
https://www.centrepompidou.fr/fr/programme/agenda/evenement/