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Ensor, au-delà de l’impressionnisme au KMSKA, Anvers : l’exposition manifeste !

James Ensor, De intrige, Collectie KMSKA – Vlaamse Gemeenschap (CC0)

Le Musée royal des Beaux-arts d’Anvers (KMSKA) qui possède le plus de toiles de James Ensor au monde propose l’apothéose de cette année anniversaire entre Ostende, Bruxelles et Anvers. L’angle choisi qui vise à proposer de nouvelles pistes autour de sa grande polyvalence, comme le souligne Herwig Todts, commissaire, dans l’indispensable catalogue, va bien au-delà des masques et du mythe, ce est tout à fait pertinent. Si Ensor regarde du côté des impressionnistes par l’intermédiaire du groupe des XX : Monet, Manet, ou du réalisme de Courbet, il embrasse aussi les fulgurances d’Odilon Redon, de Félicien Rops, John Martin, Edvard Munch, Ernst Josephson, ou l’héritage d’un Rubens, Rembrandt, Goya, dans ce qui reste son testament halluciné : « La Tentation de Saint Antoine » exceptionnellement venu de Chicago. Un jalon essentiel de l’œuvre à rapprocher d’« Adam et Eve chassé du paradis terrestre (KMSKA), » conçu la même année (1887) et qui porte la même folie. Rubens (la Chute des anges rebelles), frappé par la foudre de John Martin, tandis que des mammouths roses se profilent à l’horizon, relevant d’une perspective darwiniste.

James Ensor, Adam et Ève chassés du Paradis, Collection KMSKA – Communauté flamande (CC0)

Le parcours reprend cette frise chronologique avec l’extraordinaire Manet « Coin de Café-concert » venu de Londres (National Gallery) ou La Vague de Courbet (Musée des Beaux-arts de Lyon), le réalisme des « Buveurs d’absinthe de J. François Raffaëlli (Fine Arts museum San Francisco) comparé aux « Ivrognes » d’Ensor, « le Marais » et le « Le nuage blanc » d’Ensor dans le sillage du pleinairisme français.  

Edouard Manet, Coin d’un café-concert, The National Gallery, Bought, Courtauld Fund, 1924

Un point de bascule se joue avec la « Mangeuse d’huitres » (1882), cette femme seule à table, ce qui est inconvenant, les huitres étant de plus un aphrodisiaque et la nature morte au premier plan avec ce citron qui rappelle celui de Manet.

Les deux versions de « Salon bourgeois », dénotent une réelle évolution avec ces couleurs vives qui penchent soudain du côté du néo-impressionnisme ou des fauves.

James Ensor, La mangeuse d’huîtres, Collection KMSKA – Communauté flamande (CC0)

Ensor compare Monet à un « coloriste facile » et pour lui l’art doit être une source d’extase, doit générer « une illusion visuelle », ce qui va aboutir à la « Tentation de Saint Antoine », truffé de fantaisie burlesque et d’humour anarchiste avec ces bourgeois coiffés de haut-de-forme, ces cortèges de personnages échappés des cabarets ou théâtres de marionnettes, ces déluges de catastrophes, monstres et démons de l’enfer, ces écorchés vifs…des images de contagion pour dénoncer la Belgique moderne d’alors : le colonialisme, le parti-catholique, la maladie. Un collage très avant-gardiste. Ce réquisitoire va même jusqu’à la défense des animaux face aux pratiques de vivisection comme le souligne Patrick Florizoone (catalogue) avec « les Sept pêchés capitaux » ou « les Infâmes vivisecteurs ». Une conscience écologiste sous-jacente.  

James Ensor, Les tentations de saint Antoine Abbé, The Art Institute of Chicago, Regenstein Endowment and the Louise B. and Frank H. Woods Purchase Fund

Rappelons quelques données biographiques pour comprendre l’irruption du macabre et le non-conformisme d’Ensor : le père, alcoolique vagabond, trouvé mort dans la rue, la mort de sa grand-mère qu’il adorait, le départ précipité de l’Académie de Bruxelles pour rejoindre les XX et autres cercles (dont les Arts incohérents, salon burlesque et parodique parisien), sa relation caustique à la religion, l’anarchisme. Le parcours s’arrête un instant sur le monde des spectacles, le carnaval populaire, l’avènement de la lanterne magique, le cabaret de l’Enfer à Montmartre où l’on peut dîner sous un plafond orné de diableries, ou l’Eden-théâtre et le Musée du Nord à Bruxelles, tout un univers occulte et souterrain, illicite où règne l’exploitation et la violence, la prostitution, la discrimination raciale avec une fascination pour le difforme et le monstrueux. Des « curiosités » modernes qui couplées aux illusions optiques et recherches sur la lumière marquent fortement l’imaginaire d’Ensor, le hante comme il le confie à Mariette Hanon dans une lettre de 1890. 

Masks Confronting Death, 1888 Artwork Location: Museum of Modern Art (MoMA), New York, USA

Si Ensor est toujours rattaché aux masques, ils apparaissent dans son œuvre en 1883 avec les « Masques scandalisés » qui portent encore l’influence impressionniste. Associés aux squelettes, ils permettent au peintre de se livrer à une critique de ses contemporains à partir de leurs occupations quotidiennes faussement lisses. Entre la férocité de « Squelettes se disputant un hareng-saur » et « Squelettes se disputant un pendu » avec la mention CIVET sur le cadavre, et la relative tendresse de « l’Étonnement du masque Wouse » et son décor orientalisant, l’horreur se niche dans les détails, dans tout un bric-à-brac qui rappelle la boutique de souvenirs de sa mère à Ostende. Un humour pince-sans-rire, moqueur très fin de siècle, « zwanse » (autodérision associée à Bruxelles) mais qui n’a rien de sanguinolent. Dans cette veine le chef d’œuvre « L’intrigue » (1890) est sans doute le plus connu. La palette des carnations, les aplats purs entre le blanc et le rose est juste fascinante, violente. Les personnages à mi-corps renvoient à Rubens, de même que « l’Autoportrait au chapeau fleuri » (1893) qui a fait couler beaucoup d’encre de part son sens du travestissement . Apothéose des multiples autoportraits qu’il pratique, il se caricature et se métamorphose tant il se sent rejeté et blessé, raillé par la critique. 

James Ensor, Les squelettes se réchauffent, Kimbell Art Museum, Fort Worth, Texas

Parmi les autres peintres de masques, Emile Nolde qui rend visite à Ensor dans son atelier/ grenier de la boutique avec sa femme Ada en 1912 et replace Ensor dans le contexte international, allemand où il connait une certaine notoriété. Les masques de Nolde sont plus inspirés par ses visites au musée ethnographique de Berlin et toujours issus de pays non européens, contrairement à son confrère belge. Le parcours se termine sur une composition abstraite d’Ensor, à rebours des motifs précédents d’une grande modernité et une œuvre  de l’artiste contemporaine Marlène Dumas intitulée «  Ensor, Andy Warhol Meets His Maker », traduisible par « Ensor. Andy Warhol rencontre son créateur », message final d’une grande acuité. Ce crâne délavé par l’aquarelle dans une palette sourde synthétise tout et ouvre grand la postérité du peintre d’Ostende. 

Inclassable, incompris, Ensor dans ses expérimentations les plus avant-gardistes, s’inscrit entre rupture et continuité dans son époque. Ce panorama éblouissant est incontournable.

Catalogue trilingue, 271 pages, 49,50 euros, Hannibal éditions, en vente à l’élégante librairie-boutique du KMSKA 

https://exhibitionsinternational.be/9789464941456-james-ensor

Ensor Project Research : “Ensor at work” 

https://kmska.be/fr/ensor-research-project

Pour les amateurs d’art contemporain à ne pas manquer au KSMKA  : What’s The Story ?  qui propose un dialogue entre la collection et des artistes contemporains avec une superbe installation de Mark Manders. 

A découvrir en complément l’œuvre gravée d’Ensor au musée Plantin-Moretus qui possède le plus grande collection d’estampes du maître. Son maniement des différentes techniques : eau-forte sur des supports les plus variés : parchemin, satin, papier, aquarelle transparente ou opaque.. Ses expérimentations de l’acide, des vernis, de la roulette en font l’un des aquafortistes les plus audacieux ! Un peu comme quand David Hockney se saisit de son I-Pad…

Infos pratiques :

Ensor, Rêves fantasques/

In Your Wildest Dreams 

jusqu’au 19/01/2025

Tickets 

Tarif 

Adulte 20 euros 

https://tickets.kmska.be/fr/ensor/tickets

Horaires 

Lundi, mardi, mercredi et vendredi

10h00-17h00

Nocturne le jeudi 22h00 

KSMKA, Leopold de Waelplaats 1, 2000 Antwerpen

https://kmska.be/fr/james-ensor

Autres expositions Année Ensor à Anvers :

MoMu :

Masquerade, Make-up & Ensor 

Jusqu’au 02/02/2025 

https://www.momu.be/fr/expositions/ensor

Musée Plantin-Moretus :

28.09.24 – 05.01.25

États d’imagination / Ensor et l’expérience graphique

https://museumplantinmoretus.be/fr/activite/etats-dimagination-densor

Musée de la Photographie Anvers :

28.09.24 – 02.02.25

Cindy Sherman Anti-fashion

https://fomu.be/fr/expositions

Ensor24

https://www.ensor2024.be/nl/splash/en

Organiser votre venue à Anvers :

https://visit.antwerpen.be/fr/activiteit/ensor-2024

https://www.visitflanders.com/fr

https://www.eurostar.com/fr-fr/train/paris-anvers

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