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Animer la Flamme au Mucem : Collection Lambert, « Trophées et reliques », le 19M

Vue de l’exposition De Basquiat à Edith Piaf, Passions partagées la collection Lambert photo Laurent Lecat

Le Mucem se pare des couleurs olympiques avec trois expositions qui célèbrent le sud, généreux et inclusif, fier de ses traditions et ouvert aux influences extérieures. La collection Lambert offre une traversée formelle et symbolique revisitant les partis pris du galeriste en regard des collections et de l’identité du Mucem, « Trophées et reliques » est l’un des volets de l’ambitieux projet porté par Muriel Enjarlan, directrice du Frac Sud et Jean-Marc Huitorel, commissaire autour de ces liens art & sport et la galerie du 19M (Maison Chanel) célèbre les savoir-faire méditerranéens autour de créateurs et de personnalités de la scène régionale.

Yvon Lambert entretient des rapports privilégiés avec la Provence dont il est originaire (Vence), ayant choisi d’établir sa Collection à Avignon et engageant un lien unique avec les artistes qu’il défend depuis sa première acquisition à l’âge de 14 ans. Des artistes eux-mêmes fascinés par la méditerranée, à commencer par Cézanne dont la Montagne Sainte-Victoire est rejouée par Giulio Paolini dans une installation magistrale, faite d’un entrelacs de châssis, comme une projection à l’infini d’un imaginaire voué à l’épuisement. De même avec le costume du gardian camarguais (donné par le folkloriste Emile Marignan au musée d’ethnographie du Trocadéro) qui ouvre le parcours tandis qu’Andres Serrano capte un cow-boy qui masque son visage, geste à l’antipode de la mythologie de conquête nord-américaine.

Nan Goldin (1953, Washington, D.C., Etats-Unis, vit et travaille à New-York). Yvon at Notre-Dame-de-la-Garde, Marseille. 1996. Cibachrome contrecollé sur dibond. FNAC 2013-0158. Collection du Centre national des arts plastiques, en dépôt à la Collection Lambert, Avignon © Nan Goldin / Cnap ; photo : Fabrice Lindor

Les commissaires Marie Charlotte Calafat (Mucem) et Stéphane Ibars (Collection Lambert) ont voulu, à partir de l’importante donation faite par Yvon Lambert à l’Etat français, tisser des correspondances autour des notions de quotidien et populaire à partir d’objets sélectionnés dans les réserves par le collectionneur qui s’est passionné par cet exercice. Ainsi des fameux sabots tatoués offerts par Basquiat à des ex-votos prophylactiques, reliquaires ou instruments de musique provençaux. Des thématiques se dessinent comme autant de constellations subtiles. L’art minimal qui a toujours habité le collectionneur comme un clin d’œil aux obsessions de Le Corbusier avec des représentants majeurs tels Sol LeWitt, Niele Toroni, Daniel Buren dans un dialogue avec le motif de la rosace, de la grille, du quadrillage. L’intime et le féminin sont soulignés par une sculpture de Jannis Kounellis en lien avec l’exposition organisée par Yvon Lambert autour de la figure d’Artemisia Gentileschi, tandis que la petite robe noire d’Edith Piaf (don de Bruno Coquatrix) est encapsulée tel un fétiche. Des liens d’amitié et de compagnonnage sont capturés par Nan Goldin et sa photo d’Yvon Lambert alors qu’il lui fait découvrir Notre Dame de la Garde en 1996. Des vestiges d’instants partagés, fugaces et fragiles d’une mémoire qui vacille sous les ampoules de Christian Boltanski, tandis qu’Anselm Kiefer dessine des étoiles à partir de graines noires fossilisées. Cosmogonies et vanités, puissance des grands mythes (Cy Twombly), finitude et épreuve du temps avec David Claerbout qui sonne le glas dans sa vidéo tournée dans une bastide provençale, cette silhouette de femme qui se fond dans le décor et disparait peu à peu sous nos yeux…Et l’on repart avec le grand bleu dans nos rétines, celui de Kiki Smith et son disque de bronze érodé, tandis que la relique d’une fouille sous-marine dessine d’autres temporalités et rappelle l’extraordinaire patrimoine naturel de la ville.

Catalogue à paraitre

Jean-Marc Huitorel invité par Muriel Enjarlan, directrice du Frac Sud a dessiner ce projet autour des liens naturels et sous-jacents art et sport à l’occasion des Olympiades Culturelles, Marseille étant Terre de Jeu, s’est livré à une réflexion sur la croyance liée à l’objet et sa prétendue authenticité à partir des collections du Mucem et du Musée national du sport (Nice) dans des variations autour du ballon qu’il soit historique (1998), signé par des joueurs, en version POF par Fabrice Hyber, de la boule de pétanque (pas reconnue discipline olympique comme le souligne avec regret le commissaire) entre les santons de Provence, les boules aimantées de Jeremy John Kaplan ou le jeu de quilles dans le nord avec la vidéo d’Eleonore Saintaignan, le skate avec la version céramique de Bruno Peinado ou la mise sous vitrine de Gérard Deschamps, les coupes monumentales de Lilian Bourgeat avec a contrario les vestiges en cire fondue de Thomas Tudoux.

Vue de l’exposition « Trophées et reliques » Mucem photo Marc Domage

L’on retrouve bien entendu aussi la boxe très présente à Marseille, entre la relique des gants de Marcel Cerdan ou la vidéo nostalgique de Fatima Marmouz autour de la figure de son père boxeur entre Casablanca et Paris « Que reste-t-il de nos amours Ba Arob ? », les photos des gâteaux en forme de ring dans les boutiques parisiennes de Pierre Soulier, la raquette avec un match imaginaire Nadal/Federer ou la version ambiguë et inutilisable de Présence Panchounette. Au risque de tomber parfois dans l’anecdotique : les affiches de l’Equipe, la série de reportages du chocolat Poulain, les dessins d’enfants, ce panorama s’inscrit dans une histoire de l’exposition art et sport dont la première occurrence a eu lieu au MNATP en 1957 sous l’impulsion de Georges Henri Rivière. Le déplacement du statut de l’objet -domestique, culturel, cultuel- ne faisait que commencer…

Indispensable catalogue « Des exploits, des chefs d’œuvre », aux éditions Dilecta, disponible dans les 3 librairies au prix de 39€, seul bémol : une couverture trop littérale !

Autres volets à découvrir au Frac Sud, Exploits et chefs d’oeuvre et au mac Tableaux d’une exposition

Crée par la Maison Chanel, le 19M défend les savoir-faire liés aux métiers d’art de la mode dans un immeuble signé Rudy Ricciotti aux confins du Grand Paris (Aubervilliers). Sa galerie se veut un espace pluridisciplinaire autour des valeurs de l’artisanat. A Marseille, sur le site magistral du Fort Saint Jean (Mucem), il s’agit pour la galerie du 19M de proposer une exposition collective autour de talents inscrits dans une démarche vernaculaire entre ici et là-bas. L’on y retrouve les grandes toiles d’Adrien Vescovi, les sculptures textiles de Simone Pheulpin, les borderies diasporiques de Lucie Khahoutian, les tapisseries tridimensionnelles de Pauline Guerrier, ou encore l’appropriationnisme de Thomas Mailaender, collectionneur d’images…Les Maisons d’excellence qui collaborent avec Chanel sont évoquées, dessinant un autre volet de cet écosystème vertueux. Des ateliers complètent les visites.

Autant de bonnes raisons de mettre le cap sur le Mucem, devenu un véritable étendard de la cité phocéenne.

Infos pratiques :

Passions partagées, de Basquiat à Edith Piaf la Collection Lambert

Jusqu’au 23 septembre

Trophées et reliques

Jusqu’au 8 septembre

La Galerie du 19M

Jusqu’au 26 mai

A découvrir également le nouvel accrochage des collections : Populaire ?

Mucem — Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée

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