Le marché de l’art 2023 : bilan et perspectives

Lavinia Fontana (1552-1614) Portrait d’Antonietta Gonsalvus, Rouillac, Vendôme 04/06/2023 1,34 m$

A l’heure de la sortie du film Rosalie de Stéphanie Di Giusto sur le destin d’une femme à barbe dans la France des années 1870 incarnée par la talentueuse Nadia Tereszkiewicz, mon choix de ce tableau record pour illustrer cette chronique n’est pas anodin. La synthèse du marché de l’art proposée par Artprice et Artron Art et diffusée durant Art Paris est toujours un indicateur pertinent dans un contexte global qui ne cesse d’évoluer. Si un relatif décrochage était attendu, des surprises sont au rendez-vous.

Avec une complexification du contexte mondial et des turbulences économiques, le chiffre d’affaires mondial du marché de l’art qui culmine à 14,9 Mrd $, connait une baisse de 14% par rapport à 2022. Malgré cela, le marché atteint une forte densité des transactions avec plus de 1, 2 millions de lots. Toutefois un déséquilibre se dessine entre l’Asie qui se renforce et l’Occident plus en retrait après des années fastes. De plus, le marché doit évoluer et s’adapter face à la baisse du phénomène de rentabilité immédiate.  Le profil des acheteurs est désormais plus jeune avec la place croissante des générations Y et Z. A noter que cette année 5 femmes figurent dans le Top 50 Mondial et que l’Inde commence à se faire une vraie place.

-Evolution par pays :

La Chine est le pays qui enregistre une hausse du produit de ses ventes même si les Etats- Unis conservent la première place malgré une baisse de 28%. Deuxième place pour la Chine avec 4,9 Mrd $. L’Angleterre avec 1,8 Mrd $ garde sa 3eme place même si les effets du Brexit se font sentir avec les formalités douanières et la TVA générant des frais supplémentaires. La France avec 875 m$ (4ème place du podium) avec un marché très dynamique (+72 %). La plus haute enchère revient à Juan Miro suivi du français François Xavier Lalanne. Les 2 maisons de vente chinoises : China Guardian et Poly Auction arrivent en 4 et 5ème place après Philipps. 

En termes de maisons de vente, Sotheby’s (détenue par Patrick Drahi) rafle la première place à Christie’s avec 3,8 Mrd$. 

En termes de places géographiques, Londres perd de plus en plus de terrain face à Paris et à Hong Kong même si elle reste incontournable pour le haut de gamme XXème. Hong Kong fait une percée exemplaire suite à la fin des mesures liées à la pandémie. Sotheby’s est l’acteur le plus performant sur place avec la dispersion de la collection des milliardaires fondateurs du Long Museum de Shanghaï. 

L’Inde est la surprise de l’année avec un bond de 76% par rapport à 2022 qui la place à la 7ème position mondiale. 

-Les NFT :

L’on remarque l’entrée dans les grands musées (Centre Pompidou, MoMA) et un appétit des maisons de vente : Christie’s avec une vente exclusive on chain en partenariat avec Gucci et Sotheby’s qui propose sa 1ère plateforme d’art génératif avec 500 œuvres de la dernière série de Vera Molnar. L’art génératif récupère les 7 plus belles adjudications avec des créations de Tylor Hobbs et Dimitri Cherniak. Sotheby’s est l’acteur le plus actif dans ce domaine. Le secteur des NFT tend à se montrer moins spéculatif et florisant.

-Les artistes les plus remarqué.e.s au cours de l’année :

montée en puissance des femmes

Les plus grandes artistes femmes prennent leur revanche sur le marché de l’art avec un pic historique cette année et de nouveaux records :

Yayoi Kusama (189,7 m$), Joan Mitchell (112,6 m$) Georgia O’Keeffe (56,2 m$) Louise Bourgeois (50,2m$) et Cecily Brown (46,6 m$). Une montée en puissance des transactions millionnaires qui n’a pas été la même pour les artistes hommes. Le marché des artistes femmes résiste malgré le ralentissement général. 

Un effort est fait par les maisons de ventes et les musées pour réévaluer les artistes femmes historiques à l’exemple d’Artemisia Gentileschi ou Lavinia Fontana dont le tableau Portrait d’une fillette à barbe a été adjugé à 1,3 m$ (Rouillac, France).

Parmi les artistes du XXème, Barbara Hepworth franchit le record de 11,5 m%, Louise Bourgeois remporte 32,8 m% pour sa Spider à Hong Kong. Yayoi Kusama avec 190 m$, décroche la 8ème marche du Top 10 mondial, entre Magritte et Klimt.

Joan Mitchell dépasse les 100m$ cette année. Désormais défendue par la Zwirner Gallery, elle tient la 12èmeplace mondiale devant Rothko et Twombly. 

Julie Mehretu est sacrée artiste d’origine africaine la plus cotée. A 52 ans elle se hisse parmi les 100 premières signatures du marché. 

Paola Rego réalise une année eceptionnelle avec 2 records, un an après sa mort.

Claude Lalanne est la 2ère artiste en France avec un résultat annuel de 5,5 m$ la positionnant devant Bonnard ou Rodin.

Désormais c’est la jeune génération des artistes femmes qui dope les enchères comme Jenna Gribbon, Issy Wood (récement eposée à Lafayette Anticipations), Ilana Savdie et surtout les artistes britanniques Jadé Fadojutimi et Michaela Yarwood-Dan. 

Jadé Fadojutimi stimule les enchérisseurs depuis 2020 époque ou sa premier œuvre mise en vente s’envole pour 52 000 $. En 2022 elle est la plus jeune artiste présente dans la collection permanente de la Tate Modern et participe à la Biennale de Venise. En même temps elle intègre la puissante galerie Gagosian. Michaela Yarwood-Dan, à tout juste 30 ans, se voit hissée parmi les 500 artistes mondiaux les plus puissants, cumulant les records.

Les prix s’envolent aussi pour l’artiste américaine Loie Hollowell après avoir intégré la galerie Pace en 2017. Elle s’est tournée vers les NFT afin de se protéger contre le phénomène des reventes rapides, ce qui lui permet un reversement de commission plus équitable.

Pour conclure : l’hyper-concentration autour des grosses galeries et leur hégémonie, les enjeux liés à l’IA, l’éthique et la responsabilité sociale, de même que l’écologie restent des domaines à mieux explorer pour aller vers plus de transparence.

Source : « Le marché de l’art en 2023 par ARAA & Artprice » 28ème édition disponible sur le site Artprice.com