I wish I called you sooner
Fabienne Levy Gallery Geneva © Gian Losinger
C’est à l’occasion d’Art Genève que je rencontre l’artiste suisse Gian Losinger, exposé à la galerie Fabienne Levy. Un vrai coup de cœur pour ses photographies et l’atmosphère qui s’en dégage ! Se saisissant du quotidien, il suscite de véritables narrations poursuivant une recherche autour de la nature morte dans le prolongement de la tradition picturale du 17ème. Pendant la période de la pandémie, il capture des instants volés depuis la fenêtre de sa cuisine ou il s’inspire des astres. La photographie est une fenêtre sur un temps suspendu. Diplômé de la HEAD, Gian Losinger revient sur cette période dans une nouvelle ville et avec une nouvelle langue, étant natif de Berne. Gian a répondu à mes questions.
Comment s’est construite l’idée de l’exposition chez Fabienne Levy ?
J’ai exposé chez Fabienne Levy dans le cadre de l’exposition collective Space Invasion en 2020. Depuis, nous sommes restées en contact et avons régulièrement échangé sur mon travail. L’été dernier, Fabienne a ensuite proposé de planifier un solo show à Genève et à Lausanne. Ensemble, nous avons alors décidé d’exposer les séries May You Bloom Eternally et Kitchen Window, ainsi que certaines œuvres de mes archives, et avons ainsi élaboré l’exposition.
I wish I called you sooner
Fabienne Levy Gallery Geneva ©Gian Losinger
Quelle est l’origine du titre ?
Le titre vient d’une conversation en Facetime avec un ami canadien qui m’est très proche. Il n’allait pas très bien à ce moment-là et il était content de pouvoir me parler au téléphone. A un moment donné, il a prononcé la phrase suivante : « I Wish I Called You Sooner ». J’ai dû la noter directement, car j’étais à ce moment-là en pleine planification de l’exposition et j’ai tout de suite su que ce serait le titre. La déclaration s’étend magnifiquement du passé au présent, tout comme l’art est capable de le faire. Le désir d’avoir déjà fait quelque chose auparavant est miraculeusement mélancolique et triste, et en même temps réconciliant, puisque la personne le fait maintenant – dans le présent.
Que représentent pour vous les natures mortes ?
Les travaux de Nature Morte me tiennent personnellement à cœur, car ils inscrivent la photographie – un médium qui occupe encore aujourd’hui une place particulière et souvent un peu à part dans l’art – dans une histoire plus longue de la création d’images. Le désir humain de représenter quelque chose est, à mon avis, indépendant du médium et il devient beaucoup plus intéressant de regarder les travaux photographiques si nous les inscrivons dans une période historique plus large.
Ma recherche sur Nature Morte se réfère fortement à la peinture néerlandaise du 17e siècle. Alors que les images rappellent formellement des peintures de différents siècles, des matériaux contemporains s’insinuent constamment et évoquent une sensation de quotidien.
La possibilité d’attribuer une valeur particulière à la quotidienneté est le deuxième point qui m’intéresse particulièrement dans les natures mortes. Elles me permettent de réorganiser les choses du quotidien et ainsi de poser des questions et de ne pas juger les choses trop rapidement, mais d’inviter à regarder ce que nous pouvons voir. De plus, elles ont une qualité fédératrice, car l’observateur peut se reconnaître et reconnaître sa propre vie dans les natures mortes. Et je pense qu’il est important de constater à quel point nous nous ressemblons tous, c’est ainsi que nous pouvons construire des ponts.
I wish I called you sooner
Fabienne Levy Gallery Geneva ©Gian Losinger
Vous avez étudié à la Head Genève : que retenez-vous de cette expérience ?
Je pense que mes études à la HEAD ont été une période très importante pour moi. Après le premier semestre, je suis passé de la classe de photographie à la classe de sculpture, car je voulais avoir un nouveau regard sur mon travail et de nouvelles références que je ne connaissais pas. Ce changement un peu particulier au début a bien fonctionné et j’ai pu acquérir de toutes nouvelles manières de regarder et de négocier. Outre les échanges avec mes professeurs et les autres étudiants, il était très important pour moi de pouvoir passer trois ans dans une nouvelle ville, de parler une nouvelle langue, de découvrir de nouveaux lieux et de passer beaucoup de temps seule. Cela m’a permis de me rapprocher de moi-même et d’explorer tranquillement ce sur quoi je voulais travailler et quelles questions je voulais poser dans le domaine de l’art. J’ai ensuite pu tester cette nouvelle assurance dans le cadre de mes études et la renégocier dans l’échange, afin de parvenir toujours plus à l’essence de mon travail.
Quelle serait votre définition de la photographie ?
Je ne pense pas être en mesure de définir la photographie. Je peux tout au plus essayer d’expliquer ce que j’apprécie tant en elle. La photographie me permet de capturer des moments et de les re-présenter plus tard, avec d’autres moments, dans une installation. Alors que chacune des œuvres représente un moment isolé, une fois qu’elles arrivent dans les archives et sont disposées en installations, elles forment un tout et invitent les spectateurs à renégocier tous les moments qui se déroulent simultanément dans l’espace et le temps actuels. La photographie me permet ainsi de créer un nouvel espace d’expérience à partir d’expériences passées.
Infos pratiques :
Gian Losinger
« I wish I call you sooner »
jusqu’au 9 mars
Galerie Fabienne Levy
Rue des Vieux-Grenadiers 2
Genève