Victor Cord’homme, la Tour Orion
Face à une précarisation croissante, les artistes inventent de nouveaux modèles collaboratifs. La Tour Orion à Montreuil est un exemple réussi, loin de toute récupération même si son occupation reste temporaire. Victor Cord’homme que j’avais rencontré aux Grandes Serres de Pantin me fait la visite des étages occupés par le collectif Diamètre 15 dont il fait partie. Au sein de la Cord’hommerie, il explore différents matériaux dans une logique d’écosystèmes en autarcie. Dans le prolongement de son exposition aux Tanneries, l’artiste travaille sur des scénarios d’énergie dans le but de postuler à une résidence à Copenhague, les danois étant très en avance sur ces sujets écologiques. Entre les vitrines d’Hermès de Shanghai et Tokyo, l’Exposition universelle de Dubaï, 100% La Villette… l’artiste revient sur ces différents projets.
Victor Cord’homme N.O.É les Tanneries, centre d’art contemporain
Retour sur l’exposition aux Tanneries, N.O.É : Nacelle Observant les Étoiles
Sur une invitation d’Eric Degoutte et dans le cadre de la saison Les Registres du jeu, j’ai imaginé pour la Verrière cette installation immersive qui évoluait en fonction de l’heure de la journée et du nombre de visiteurs. L’idée était de proposer une exposition autonome dans sa capacité à se recharger toute seule à l’aide de panneaux solaires. L’exposition fonctionnait en autarcie énergétique ce qui est reproduit dans cette peinture avec la centrale qui récupère et redistribue l’énergie. L’exposition réunissait quelques peintures dont certaines ici. Celle que vous avez devant vous, reproduit la programmation de l’exposition en fonction du nombre de personnes et de sculptures allumées. Chaque peinture fonctionne comme un chapitre.
L’engrenage, la connexion, le câble électrique, l’interrupteur.. sont autant de petites infos sur la finalité de l’objet. J’ai travaillé avec un scientifique codeur, Raphaël Isdant que j’ai rencontré quand j’étais encore étudiant aux Beaux Arts, il m’a aidé en 2015 lors de mon diplôme de 3ème année pour faire ma première installation, depuis dès que j’ai la possibilité, je travaille avec lui.
En quoi cette exposition vous inspire-t-elle de nouvelles recherches ?
Je poursuis en ce moment ma recherche autour de moyens de stockage d’énergie. Je vise actuellement une résidence au Danemark étant franco-danois.Le lieu d’exposition s’appelle Overgaden je vais leur soumettre une idée autour de l’utilisation d’énergie et solliciter l’Institut français de Copenhague pour trouver des financements et rencontrer des acteurs, les Danois étant très tournés vers l’énergie éolienne. Ils construisent des îles artificielles qui vont être des hubs d’énergie pour transformer l’énergie électrique en hydrogène, un concept qui m’intéresse et que je voudrais importer dans mon travail pour lui donner cette dimension plus scientifique. Capter toute l’énergie qui entre dans un lieu d’exposition et trouver un moyen de la stocker devient presque un projet utopique autour d’un espace qui soit autonome. Je commence à réfléchir à des moyens de récupérer l’eau de pluie puis la stocker dans un bassin, la transformer en hydrogène, réalimenter les sculptures… essayer d’imaginer tout un circuit comme un corps. Cette démarche est inspirée de l’artiste japonais Susumu Shingu qui travaille sur le vent et la dynamique. Il a imaginé dès les années 2000 des sculptures qui alimentent des villes comme des éoliennes. Ce projet Breathing Earth, resté à l’état du rêve que j’aimerais concrétiser. C’était l’objet de mon mémoire aux Beaux-Arts de Paris.
Victor Cord’homme Ventilateur volute II
Expérience avec Diamètre 15 à la Tour Orion : mode de fonctionnement collectif, partage de compétences…
Nous fonctionnons sur un modèle proche de mécénat avec une cotisation mensuelle de 200€ par personne. Ce loyer versé à notre association nous finance les expositions, transports, logistique, une résidence de curateurs 3 fois par ans (rémunérée) et un budget d’exposition de 1500€. Ce sont plus des frais de gestion qu’un loyer en tant que tel.
Nous nous organisons par pôles de compétences entre les 30 artistes de Diamètre 15. Je m’occupe des personnes qui viennent à nos résidences curatoriales. Je leur facilite les démarches. Nous avons aussi un pôle communication, finances…Comme un écosystème indépendant. Notre modèle n’est pas du type « squat » ce qui aurait été compliqué avec tout le matériel investi. Ce matériel peut être mutualité comme le four à céramique ou le poste à souder.
La résidence des curateurs s’inscrit sur une durée de 3 mois. L’idée est d’inviter d’autres artistes et proposer des expositions au 6ème étage qui est partagé par l’ensemble de la Tour soit 2000m² au total. Le rythme des expositions est assez soutenu à raison de toutes les 2 semaines.
Victor Cord’homme Les Peintures, Poush Clichy
Quels sont vos matériaux de prédilection au sein de la Cord’hommerie ?
Je travaille avec des matériaux recyclés que je transforme, principalement le bois et le métal assez facilement réparables, « bricolables ». J’aime trouver une beauté dans la récupération, des formes, une symbolique des objets.
Aujourd’hui j’ai commencé à construire une sculpture avec comme matériaux des panneaux solaires découpés, je ne sais pas si ça va réellement donner quelque chose mais je trouvais l’idée assez belle d’utiliser les panneaux solaires comme matière première pour la sculpture.
Je vois un peu mes sculptures comme des êtres qui prennent vie avec le soleil, il y a un côté très “animal” quand je travaille la matière car récupérer des matériaux déjà utilisés c’est aussi séparer les morceaux dont on ne vas pas se servir, nettoyer, comprendre comment en tirer le meilleur parti, c’est une pratique proche du poissonnier ou du boucher je trouve !
Victor Cord’homme META/SCOPE #2 Poush Clichy
Les titres jouent-ils un rôle ?
Oui les titres varient comme avec ces ventilateurs en verre qui évoquent l’eau.
J’aime bien jouer sur les mots et trouver des titres à la fois absurdes ou qui sont très représentatifs de leur finalité comme lors de la performance du « bulldozer et de la marguerite ».
Le « Tripode Zigzag et le Septipode »
Ce sont deux sculptures créées pour l’espace public avec des matériaux récupérés dans l’ancienne usine Pouchard où nous étions avec Diamètre 15. Elles fonctionnent aussi avec le solaire, à partir de panneaux de bornes d’horodateurs récupérés de la ville de Pantin.
Victor Cord’homme Projet 24h
Le projet à Dubaï
Il s’agissait de l’entreprise italienne H-comm autour d’un mur Led de 17m de long et circulaire. On entrait à l’intérieur du cercle et une animation reprenait l’évolution d’une peinture sur 24H. Ce salon d’art numérique Gitex se tenait en parallèle de l’Expo Universelle.
Cette expérience de la Tour Orion donne-t-elle lieu à de prochains projets ?
Avec Alios j’ai entamé des projets pour l’espace public ou du Futur Grandes Serres autour de lampadaires potentiels. Le bâtiment va être réhabilité et le complexe aura une partie de bureau avec une sorte de hub pour des entrepreneurs ou artisans. Un lieu mixte entre culturel et business. Il va y avoir aussi une résidence d’artiste avec des possibilités nous l’espérons pour Diamètre 15.
Site internet de l’artiste
https://www.victorcordhomme.com/
https://www.instagram.com/victor.cordhomme/
Le collectif Diamètre 15
Tour Orion Montreuil