Rembrandt, Le Rieur vers 1629-30 Mauritshuis, La Haye.
Première exposition après la réouverture du KSMKA d’Anvers, « Drôles de Têtes » tient ses promesses. Si de tout temps le visage a fasciné les artistes à commencer par Léonard de Vinci qui s’inspirait des théories physiognomoniques de l’Antiquité, le genre connait son heure de gloire au 16ème et 17ème siècles avec l’apparition des « tronies » traduisible par trognes, qui peuvent servir d’études préparatoires pour des œuvres historiques de grand format même si le genre, sous l’influence du marché, gagne son indépendance. Un peintre comme Bruegel avait une fascination pour ce que l’on appelle désormais la morphopsychologie, ou les stéréotypes, comme cela se dénote dans la « Tête de paysanne » toute ridée ou le « Bailleur » au visage buriné par le soleil, réalisés d’après nature ou non, selon les spécialistes. L’intérêt pour les artistes était de se démarquer des contraintes imposées par des commanditaires imbus de leur personne et qui voulaient donner la meilleure image possible d’eux-mêmes.
Johannes Vermeer, Jeune femme au chapeau rouge, vers 1665-1667. Huile sur panneau, National Gallery of Art, Washington DC
Le parcours qui alterne phases didactiques et pédagogiques et œuvres d’art en tant que telles, selon la scénographie imaginée par le bureau Tinker et MOKA Design studio, permet aux visiteurs d’être introduits aux différentes séquences à travers leur participation à différentes expériences. Rubens et Rembrandt sont les véritables guides de l’exposition. Parmi les œuvres incontournables arrêtons-nous sur Vieille femme ou The Uggly Duchess du maître anversois Quentin Matsys qui a fait l’objet d’une exposition à la National Gallery de Londres intitulée The Ugly Duchess: Beauty and Satire in the Renaissance, soulevant l’hypothèse, fondée ou non, que la femme en réalité soit un homme. Il est certain que ce couple grotesque et extravagant (un homme est en pendant du panneau) donne lieu à toutes les interprétations possibles.
Quinten Massys An Old Woman The Ugly Duchess National Gallery, Londres
Le costume joue un rôle certain quant à l’attribution d’un métier à ces tronies. Cette femme est affublée d’une coiffe raffinée doublée d’un tissu imprimé selon la vogue du commerce lointain de la Compagnie des Indes néerlandaises, ce dont va s’inspirer Rembrandt par exemple avec les turbans dont il coiffe ses têtes d’hommes.
Les expressions humaines sont recherchées par les artistes du Nord tels Frans Hals qui traduit de façon très spontanée le rire chez son Jeune Garçon ou Rembrandt qui allait jusqu’à utiliser son propre visage pour traduire toute une palette d’émotions comme dans un autoportrait riant conservé au Getty Museum. Certains accentuent les mimiques comme Adrien Brouwer avec « la Boisson amère » qui fait grimacer un jeune homme. La palme en ce domaine revient évidemment au sculpteur allemand Franz Xaver Messerschmidt qui propose de véritables typologies de « caractères ». Génie solitaire et incompris, taxé de folie, ses effigies sont auréolées de mystère.
La place de la lumière joue un grand rôle dans les Flandres septentrionales comme l’atteste, Jan Lievens, élève de Rembrandt avec sa Jeune fille en profil dont la chevelure et bien sûr l’extraordinaire Jeune fille au chapeau rouge de Vermeer (National Gallery Washington) qui avait recours à la « camera obscura ». Le chef d’œuvre qui a fait le déplacement depuis les Etats-Unis, témoigne de solutions techniques très innovantes. Une œuvre très à part dans la production du maître. Pour clore le parcours les réseaux sociaux et l’IA sont évoqués ouvrant grand le champ des possibles en matière de portraits. L’histoire de la représentation de soi n’a pas encore fini de nous surprendre.
Infos pratiques :
Drôles de têtes Bruegel, Rubens et Rembrandt
Musée Royal des Beau Arts d’Anvers, KMSKA
Jusqu’au 21 janvier 2024
Réserver votre billet : obligatoire
20€/ adulte
Organiser votre venue :
https://www.visitflanders.com/