FOMO VOX

Mark Rothko : « Mon art n’est pas abstrait, il vit et il respire », Fondation Louis Vuitton, ARTE

Mark Rothko, Green on Blue (Earth-Green and White), 1956, huile sur toile, 228.6 x 161.3 cm, Collection of The University of Arizona Museum of Art, Tucson, Gift of Edward Joseph Gallagher, Jr. © 1998 Kate Rothko Prizel & Christopher Rothko – Adagp, Paris, 2023

C’est grâce au documentaire de Pascale Bouhénic sur ARTE « Mark Rothko, la peinture vous regarde » que je me décide à écrire sur ce géant de l’abstraction sur lequel tout a été dit ou presque, et qui est au cœur d’une éblouissante exposition à la Fondation Louis Vuitton sous le commissariat de son fils Christopher Rothko aux cotés de Suzanne Pagé.

Marcus Rotkovitch né à Dvinsk (ancien Empire de la Russie) le 25 septembre 1903, est le fils d’un pharmacien dont il hérite du goût pour les expérimentations entre la colle de peau de lapin, les peintures à l’œuf de la Renaissance, les pigments, la résine.. toute une alchimie dont il cultivera jalousement le secret. La famille est cultivée et érudite et le père émigre en premier au Etats Unis faisant venir ses enfants petit à petit à Portland (Oregon). Marcus qui n’a pas encore pris sa nouvelle identité, vit de petits boulots. Doué pour les études, il reçoit une Bourse pour Yale où il ne termine pas ses études, victime de qu’il qualifie de racisme par les WASP. Il décide alors de partir pour New York. Il s’inscrit à l’Art Student League et tombe dans la bouillonnante vie artistique. S’il est plus connu pour ses « champs de couleur/colour fields », il a commencé par des scènes figuratives comme le révèle le documentaire et l’exposition : la solitude contemporaine dans le métro avec les « Subway Paintings » jusqu’à une veine plus surréaliste. Puis avec la crise et les bouleversements de la guerre, il opère une rupture et se lance comme d’autres dans l’abstraction, nourri de ses lectures des classiques dont Eschyle ou Nietsche, son chemin est celui du tragique et du drame avec comme compagnon de route les grands maîtres : Vermeer, Rembrandt, Titien, Goya et Giotto découvert plus tard à Florence. Il bénéficie de sa première exposition personnelle à Portland en 1933. Après la guerre, il expose aux côtés de Jackson Pollock à la galerie de Peggy Guggenheim. De retour d’un voyage sur la côte ouest qui l’enchante, il peint ses premiers tableaux « multiformes » sous l’influence de son ami Clifford Still. Des halots de couleur et des rectangles semblent flotter à la surface.

L’ Atelier Rouge de Matisse qui entre dans les collections du Moma en 1949, va beaucoup le marquer. La couleur doit être au service de sensations. C’est la matérialité et la sensualité qu’il recherche.

La place du spectateur étant essentielle à ses yeux, il conseille de placer les toiles assez bas comme à l’atelier, ce que respecte scrupuleusement la Fondation Vuitton. Comme pour engager une conversation. Après être entré dans la puissante galerie Sidney Janis sa consécration se poursuit en 1958 quand il représente l’Amérique à la Biennale de Venise. Il reçoit ensuite une commande pour le restaurant du gratte-ciel Seagram signé de Mies van der Rohe. Il conçoit une trentaine de peintures d’une palette plus sombre. Mais la clientèle tapageuse du Four Seasons ne correspond pas à la radicalité de sa démarche. Il rend la somme avancée, ce qui fait grand bruit à l’époque. En 1961 il bénéficie d’une rétrospective au MoMa, fait inédit pour un peintre vivant. Puis en 1964 il reçoit la commande de sa vie, celle du couple de collectionneurs John et Dominique de Ménil pour une chapelle à l’Université de Houston.  Son nouvel atelier lui permet de reproduire l’architecture de la chapelle, exceptionnellement recrée par la Fondation Vuitton. Le noir est convoqué dans une radicalité sans concession.

Déprimé par l’évolution du monde de l’art, l’artiste qui s’est toujours réclamé socialiste et marxiste, travaille sans relâche à ses « Black and Grey Paintings » pour un dialogue avec une sculpture Giacometti pour l’Unesco. Le 25 février 1970 Rothko se donne la mort dans son atelier. La même année la Tate inaugure la « Rothko Room » dont les toiles ont toutes fait le voyage pour Paris dans une configuration fidèle à ses préceptes. La « Rothko Chapel » ouvre au public en 1971, ultime legs de l’artiste qu’il n’aura pu voir de son vivant.

Le voyage s’impose aux confins de la spiritualité et d’une quête sans fin à la Fondation Vuitton qui fidèle à son sens de la démesure, relève le défi haut la main avec pas moins de 115 œuvres de provenance prestigieuse.  

Infos pratiques :

Mark Rothko

Jusqu’au 2 avril 2024

Réservation obligatoire

Fondation Louis Vuitton

8 avenue du Mahatma Gandhi  75116 Paris

www.fondationlouisvuitton.fr

Voir le documentaire ARTE :

Mark Rothko – La peinture vous regarde – Regarder le documentaire complet | ARTE

Quitter la version mobile