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« Close Enough » : Les femmes photographes de l’agence Magnum à Hangar (Bxl)

A plane files low over students riding a train at a funfair over the weekend. Istanbul, Turkey, 29 August 2018 © Sabiha Çimen_Magnum Photos

Après l’ICP de New York, l’exposition conçue par Charlotte Cotton s’installe au Hangar Bruxelles, ce qui est réjouissant pour le public européen. Les femmes photographes de la célèbre agence Magnum qui ne sont que 12, comme le souligne Delphine Dumont, directrice de Hangar, révèlent tout leur talent.  A partir de la phrase prononcée par Robert Capa le co-fondateur de l’agence  If your pictures aren’t good enough, you aren’t close enough » le concept de distance juste est exploré par ces voix singulières qui tissent des micro-histoires au sein du grand récit universel.

Ainsi de Susan Meiselas dont la série A Room of their Own reprend la citation culte de Virginia Wolff « une chambre à soi » pour lui donner un écho puissant puisqu’il s’agit d’un refuge pour femmes stripteaseuses dans la Nouvelle-Angleterre rurale.

Cristina de Middel (ES, 1975) autre grande pointure que j’ai eu la chance de rencontrer à Photo Espana, avec Gentlemen’s Club (2015-2022) se penche vers une catégorie rarement interrogée : les clients de la prostitution. Elle a pour cela mis une petite annonce comme elle l’explique : « During June 2015, I put an advert in a newspaper in Rio de Janeiro asking for prostitutes´ clients to pose for me in exchange of money. My intention was first to see who these people were and also to invert the roles of the business, as they would be selling also part of themselves. The response was massive and this is a selection of the men who accepted the deal.. » Au-delà de l’aspect photo-journalistique ces témoignages fonctionnent comme un journal de bord assez intime et c’est d’ailleurs l’un des traits marquants de tous ces travaux.

What’s ours, Beirut, Lebanon, 20 October 2019 © Myriam Boulos/Magnum Photos

Myriam Boulos (LB, 1992) Works on Lebanon (2012 – 2022) est un projet de plus de 10 ans de l’artiste sur la place du corps dans l’espace public à partir du traumatisme de l’explosion du port de Beyrouth. Comme une résistance à l’interdit, dans un pays schizophrène entre transgression et musèlement, les corps s’exposent et basculent, ivres et indécents, incandescents.

Hannal Price (US, 1986) avec City of Brotherly Love s’intéresse aux mécanismes du male gaze à partir d’hommes qui l’ont sifflé ou provoqué dans la rue. Elle retourne la focale en les sortant de leur anonymat. Cette série a débuté après son déménagement du Colorado à Philadelphie où elle remarque une recrudescence de ces pratiques. Leur comportement devient dès lors non acceptable socialement parlant.

Alessandra Sanguinetti (US, 1968) avec 24-year collaboration with Guille & Belinda est un travail au long cours qui suit les transformations physiques et mentales de deux filles argentines Guillermina et Belinda, en symbiose avec la nature. Des scénettes sont créées autour de références à l’histoire de l’art insistant sur le passage à l’âge adulte et ce qu’il signifie.

Spain 2022. From the series « Agony in the Garden ».© Lua Ribeira/Magnum Photos

Lua Ribeira (ES, 1986) Agony in the Garden (2022). La photographe est partie de son intérêt pour la scène musicale underground trap et drill issue du hip hop. L’influence esthétique globale qui accompagne cette scène et ses multiples processus d’identification ont été le point de départ du projet. Un phénomène générationnel qu’elle a cherché à traduire de façon collaborative à partir de performances ou de simples observations. Les images de paysages ou de décharges renforcent l’idée de chaos ambiant dans lequel nous évoluons, le titre renvoyant à la Bible.

Le projet a été réalisé en collaboration entre Magnum Photos et Obscura, une plateforme qui soutient les photographes dans leurs projets grâce à la vente de NFT.

Bieke Depoorter (BE, 1986) As It May Be (2017) est la seule à exploiter véritablement le format livre. A partir de ses nombreux voyages en Egypte depuis les débuts de la révolution en 2011, elle revient en 2017 avec un premier livre proposant à d’autres personnes décrire des commentaires directement sur les images. Il en résulte un objet orignal entre calligraphie arabe et traduction anglaise au fil du hasard des rencontres comme elle aime à travailler.

Sabiha Çimen (TR, 1986) Hafiz (2017-2020) La photographe turque s’est penchée pendant 3 ans sur l’univers des écoles coraniques pour filles. Un type d’école qu’elle et sa sœur jumelle ont fréquenté lors de leur adolescence. Le titre Hafiz renvoie au processus de mémorisation de l’ensemble des 604 pages du Coran. Il peut prendre 4 ans. Les jeunes filles sont saisies dans une vraie et rare intimité.

Coup de cœur pour l’iranienne Newsha Tavakolian (IR, 1981) avec le film For the Sake of Calmness (2020). A partir d’un syndrome prémenstruel sévère qui l’affecte chaque mois, l’artiste a entamé des recherches pour comprendre d’où cela venait avec un neurologue pour comprendre qu’elle faisait partie des personnes fortement affectées. Au fil du temps elle établit un parallèle entre la situation de son pays et cette ombre qui s’abat sur elle tout en lui donnant plus de créativité. A partir de photographies, elle décide de tourner un film. Avec lenteur les protagonistes de son récit dont ses parents, posent au milieu de photos de famille. Peu de temps après son père mourait d’une crise cardiaque.

L’identité, les mutations de soi, les tensions sociales, les assignations de genres et de classes, infusent ces approches même si une autre perspective se dessine, intuitive et audacieuse, onirique et sensible, tout en restant au plus près du sujet

A découvrir également l’installation in situ réalisée par Georges Rousse pour Hangar « Rising Circles »

Infos pratiques :

Close Enough – 12 women photographers of Magnum

Jusqu’au 16 décembre

Close Enough — Hangar

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