Interview Benoît Doche de Laquintane : Fræme, Friche la Belle de Mai, Art -o-rama

Vue d'exposition, mountaincutters, Herman de Vries, Alexandre Hollan, Colette Brunschwig, Naufus Ramírez-Figueiroa, ©FRÆME

Première révélation publique de la Collection Benoît Doche de Laquintane à l’invitation de Véronique Collard Bovy et Jérôme Pantalacci (Fraeme, Art-o-rama) à la Friche La Belle de Mai, avec comme commissaire Thomas Boutoux. L’exposition, intitulée « Au Hasard Balthazar » en hommage au film de Robert Bresson est placée sous le régime des rencontres et d’une aventure personnelle nourrie de découvertes et de confrontations avec les galeries et la foire Art-o-rama, un élément clé comme le collectionneur le précise en préambule. De par son métier de radiologue, Benoît Doche de Laquintane s’inscrit dans une observation constante du vivant, entre rigueur scientifique et recherche de poésie. D’abord tournée vers les artistes émergents de la scène française (Benoit Maire, Raphaël Zarka, Mimosa Echard, Katinka Bock..) la collection commencée à Bordeaux dans les années 2000 et aujourd’hui constituée de 160 œuvres, atteint une dimension internationale avec des artistes comme Wolfgang Tillmans, Francisco Tropa, Danh Vo ou Blerta Hashani. Une « fabrique du goût » selon le terme choisi par le curateur qui loin d’une démarche strictement narcissique ou subjective, s’inscrit dans un tout écosystème collectif, Benoît ayant souhaité créer le Prix de la Collection en 2021 pour renforcer et pérenniser son soutien à la foire Art-o-rama. Benoît Doche de Laquintane a répondu à mes questions.

Comment avez-vous procédé au choix des œuvres avec Thomas Boutoux, le commissaire et quels partis pris vous ont-ils guidés ?

Tout s’est déroulé assez naturellement entre nous. Ce qui a précédé le choix des œuvres était le projet de dépasser la simple démarche personnelle, cette exposition n’existant que parce que le collectionneur s’inscrit dans une chaîne d’acteurs plus large, un principe qui me tenait à cœur et partagé avec Thomas Boutoux dès le départ.

Le choix des œuvres de la collection a été fait, dans une certaine mesure, sous le régime du hasard, comme le titre de l’exposition le suggère, même si la question qui demeure derrière chaque œuvre est : pourquoi celle-ci ?. Un des enjeux de l’exposition était donc de penser les mécanismes et protagonistes pluriels derrière la conception d’une collection et l’importance, à part égale avec celle du collectionneur, des galeries, curateurs, espaces d’exposition et foires d’art contemporain qui constituent l’univers ou l’environnement qui rend la collection possible.

Les rencontres tout d’abord avec les galeristes avec qui j’ai noué des relations d’amitié et de confiance qui m’ont fait découvrir des œuvres auxquelles je n’aurais pas pensé, selon le concept de la « fabrique du goût », terme choisi par le commissaire pour décrire des décisions qui remontent à d’autres personnes.

La place des curateurs par l’intermédiaire des expositions comme c’est le cas pour Corentin Canesson.

Art-o-rama en termes d’espace de médiation culturelle et au-delà de la foire, à travers les choix portés et défendus par des galeristes en amont de la scène établie, que l’on aime ou pas ce qui est toute la difficulté de l’art contemporain et les espaces curatés au sein de la foire. Art-o-rama a participé de plusieurs achats de la collection, ce que je tenais à souligner.

Wolfgang Tillman, Love (hands praying), 1989, C-print encadrée, 30,5 x 40,6 cm, courtesy de l’artiste et galerie Chantal Crousel, Paris

Quel a été l’élément déclencheur de la collection ?

Même s’il est peut-être passé de mode, je me retrouve dans la démarche d’André Malraux découvert au cours de mes révisions pour l’internat à travers l’émission télévisée Voyage autour du monde qui reprend les trois tomes de la Métamorphose des Dieux « Le surnaturel, l’Irréel, l’Intemporel » où Malraux décrit sa vision non pas rigoureuse ou universitaire de l’art mais par le concept de musée imaginaire. Une notion qui m’a séduit et donné envie d’avoir mon propre musée en tant qu’espace de collection, sans aucune forme de prétention. Naïvement, j’avais tendance à croire que l’art contemporain serait plus accessible que l’art ancien, ce qui ne veut rien dire puisque la notion d’accessible n’est pas forcément là où on l’attend. C’est ainsi que j’ai commencé la collection et de fil en aiguille, je me suis pris au jeu à travers les rencontres, réalisant que j’étais capable de fabriquer mon propre goût et sans avoir besoin de la validation d’autrui. Il en résulte un ensemble assez personnel avec des éléments plus saillants que d’autres et ce n’est pas à moi de le juger, le commissaire ayant fait un vrai travail de sélection.

Francisco Tropa, L’énigme de RM, 2021, cuivre, bronze, fil de soie, bois, 63 x 36 x 20 cm, courtesy de l’artiste et galerie Jocelyn Wolff, Paris

L’artiste Benoit Maire signe vos débuts de collectionneur à Bordeaux

En effet sa rencontre s’inscrit au tout début de mon parcours, je ne connaissais pas le monde de l’art contemporain ni des galeries jusqu’à l’ouverture à Bordeaux de la galerie Cortex Athletico par Thomas Bernard qui a ensuite poursuivi à Paris. Il commence avec un jeune artiste Benoît Maire qui devient ensuite un artiste important et aujourd’hui représenté par Nathalie Obadia, ce que je ne pouvais anticiper à l’époque. Cela revient aussi à une certaine forme de hasard.

Vue d’exposition, Chalisée Naamani, Wolfgang Tillmans, Benoît Maire, ©FRÆME

Ciaccia Levi est aussi une galerie importante pour vous à travers l’œuvre de Chalisée Naamani présentée au début du parcours

Oui et cela remonte à Art-o-rama. Je les apprécie car ils soutiennent les artistes émergents dans un travail de prospective que je n’ai ni le temps, ni les compétences de réaliser. Ils sont allés voir l’exposition des diplômés et félicités des Beaux-arts de Paris en 2020 et ont été très intrigués par Chalisée Naamani qui intègre ensuite la galerie. Elle est présentée lors de l’édition 2021 d’Art-o-rama, année où je lance le Prix aux côtés de Jérôme Pantalacci, dans le prolongement de mon soutien à la foire et aux galeries participantes.

Jochen Lampert, Sea Dragon, 2014, Photographie, épreuve gélatino-argentée, 18 x 23,7 cm,courtesy de l’artiste et galerie ProjecteSD, Barcelone

Pour revenir à votre activité de radiologue et votre rapport à l’image, l’accent est mis sur Jochen Lempert et Jean Painlevé à travers la figure de l’hippocampe, dès l’entrée de l’exposition

Il y a sans doute un rapport plus personnel avec ces deux artistes qui sont d’abord biologistes, Painlevé étant l’ancêtre du Commandant Cousteau en quelque sorte. Ces images d’hippocampe sont des structures anatomiques que je regarde quotidiennement lorsque j’effectue des imageries du cerveau. Des structures qui servent à fixer la mémoire et dont la forme rappelle celle du cheval de mer dans une résonance assez poétique. Deux artistes naturalistes, démarche qui rejoint la mienne à travers la collection dans des relations sous-jacentes et communes autour de l’observation au vivant et d’une présence consciente au monde.

Relire en complément mon interview de la collectionneuse Sveva Taurisano, Collezione Taurisano (Italie), réalisé lors d’Art-o-ama 2021, également à l’initiative d’un Prix.

ART -O-RAMA 2023 : les galeries participantes

Galeries | ART-O-RAMA

Infos pratiques :

« Au hasard Balthazar »

La Collection Benoît Doche de Laquintane

Jusqu’au 20 août

Friche La Belle de Mai, 3e étage de la Tour Panorama

Prix Benoît Doche de Laquintane | ART-O-RAMA

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Agenda – Friche la Belle de Mai (lafriche.org)