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ARLES 2023 : Expérimentations et émergences

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Emma Sarpaniemi. Self-portrait as Cindy, 2022, Two Ways to Carry a Cauliflower series. Courtesy of the artist.

La  54édition accueille 45 expositions : Un état du monde. Tel un relevé sismographique de notre temps, chaque année les Rencontres d’Arles se font l’écho de l’état de conscience de notre monde, aussi étrange qu’il puisse paraître. Les photographes, artistes et commissaires nous donnent à voir, à percevoir, avec une acuité aiguisée, les transformations que nous vivons. La prise en considération – a minima – du réchauffement climatique s’est imposée à nous, impactant directement nos habitudes.

Cette année encore, l’expérimentation traverse le champ des expositions et des thématiques. Focus

Maciejka Art manipule la photographie et la transforme, pour mieux rendre compte d’une exploration de la féminité et de la maternité. Le duo artiste/curateur d’Eva Nielsen et Marianne Derrienn investit les paysages de la Camargue et s’empare de phénomènes optiques pour en révéler la richesse. Zofia Kulik manie le medium photographique et construit une nouvelle identité féminine, pleine de symboles. Aux confins de l’expédition et de l’expérience des premiers inventeurs, Roberto Huarcaya convoque qunat à lui dans une pratique nocturne la technique du photogramme pour jouer de nos sens dans la représentation de la forêt tropicale péruvienne. Enfin, Juliette Agnel nous invite au mystère de nos origines dans les cryptoportiques, lieu antique et magique, investi pour la première fois cette année par le festival.

MACIEJKA ART / HOJA SANTA [FEUILLE SACRÉE]   Croisière

« En rejoignant une communauté de femmes installée dans une région isolée du Mexique, j’ai rencontré des guérisseuses et des sages-femmes qui m’ont rappelé l’importance du cycle de la vie, mais aussi des amantes, des femmes abandonnées et des veuves. Ce projet a constitué pour moi un voyage, aller et retour, vers l’origine : l’utérus. Je l’ai relié à ma propre vie, aux relations entretenues entre les femmes et la souffrance, ainsi qu’aux caractéristiques du féminisme et de la fierté. L’endroit était captivant et empreint de magie. J’ai utilisé différents types de collages et des photographies peintes pour décrire cette énergie que je ressentais mais qu’il était difficile de rendre uniquement avec la photographie. Au cours de mon voyage exploratoire – mêlant féminisme, colonialisme et conflit culturel – je me suis immergée dans les multiples dimensions de la maternité et de la féminité, dans le ventre de la mère Afrique. »


EVA NIELSEN ET MARIANNE DERRIEN / INSOLARE

Cloître Saint-Trophime
Eva Nielsen s’empare de phénomènes optiques et hydrogéologiques afin de les combiner à un geste technique, celui de l’insolation, notamment utilisé en sérigraphie. Spectre d’une réalité tant rurale qu’industrielle, ce projet croise les trajectoires de l’artiste à celles des territoires aux portes d’Arles où commence la Camargue. Cette zone singulière – à la fois séduisante et hostile – s’annonce comme une invitation à porter son attention à la qualité vitale de ce milieu salin. Face à l’intensité des phénomènes et des forces naturelles, les zones vivantes circulent et migrent dans les œuvres à travers des superpositions d’images sérigraphiées et de peintures offrant une vision fragmentée de ces territoires. Floutant les frontières entre les médiums, les pratiques et les motifs, Insolare procède à une mise en image de la sédimentation des paysages solaires et liquides de la Camargue.
Exposition produite par BMW Group France.



ZOFIA KULIK / LA SPLENDEUR DE L’ARTISANE
Église des Trinitaires


Zofia Kulik compose des photographies complexes, multidimensionnelles et extrêmement détaillées. Elle organise ainsi des fables visuelles en noir et blanc, qui livrent des récits de régimes politiques totalitaires, de mort, de domination, de jeux de pouvoir au sein de l’Église et de la culture patriarcale, mais qui racontent aussi la relation entre homme et femme, entre individu et masse. L’artiste invente une technique très méticuleuse : le papier photographique est directement exposé à de multiples reprises à des dizaines de négatifs, à travers des masques découpés avec précision. Cette première monographie de Zofia Kulik en France constitue un point d’entrée idéal à cet univers riche en références culturelles, de l’Antiquité aux stratégies contemporaines de la politique historique, en passant par l’imagerie médiévale.
Avec la collaboration de Persons Projects, Berlin, et la Fondation Kulik-Kwiekulik, Varsovie.

ROBERTO HUARCAYA / TRACES
Croisière


En 2012, Roberto Huarcaya participe à un projet mené à Bahuaja Sonene, réserve naturelle intangible d’Amazonie. L’artiste travaille pendant deux ans, avant d’admettre la supériorité de ce cadre majestueux et de conclure à l’impossible représentation des expériences sensorielles non visibles qui y sont offertes. Résolu à ne plus être auteur, mais médiateur, il invite la forêt à écrire son propre récit au moyen de la lumière, sans autres interventions. Huarcaya se tourne alors vers le photogramme, seule manière selon lui d’émuler la nature tandis qu’elle laisse le temps s’écouler lentement au gré des cycles de la vie. Cette empathie démontrée envers la nature est appliquée à un projet plus ambitieux : Huarcaya évoque, à travers des images qui glissent entre registre documentaire et fiction, la construction d’un autre imaginaire du paysage péruvien, qui comprend l’océan Pacifique et les Andes. 


JULIETTE AGNEL / LA MAIN DE L’ENFANT
Cryptoportiques


Juliette Agnel explore des paysages extrêmes, dont la beauté troublante suscite l’émerveillement et le sentiment de sublime. Ce projet a été réalisé dans les grottes préhistoriques d’Arcy-Sur-Cure, habitées depuis le Paléolithique et couvertes de peintures d’il y a 28 000 ans. Ce sont des espaces vivants, en constante évolution, que ce soit sous l’effet de forces naturelles ou par l’action humaine qui a laissée des traces de son passage, jusqu’à en modeler certaines cavités. Si la photographie est souvent considérée comme un art de l’écriture par la lumière, l’obscurité des cavernes y résiste. L’artiste cherche à révéler les apparitions de ces formes en métamorphose, qui préservent l’énigme des origines de la vie sur Terre. Lieu de sépulture, de loisir, de méditation ou réserve écologique, la grotte devient un espace où les temps cohabitent et dialoguent.


Exposition corpoduite par la galerie Clémentine de la Féronnière, Paris, et les Rencontres d’Arles. 

De plus plusieurs expositions collectives sont au programme de l’édition 2023 du festival, qui fait cette année encore la part belle à l’émergence.
Søsterskap déploie le regards de dix-huit femmes  photographes de la scène nordique, qui proposent une réflexion sur l’État providence et la sororité. Pour le Prix Découverte Fondation Louis Roederer, la commissaire Tanvi Meshra a sélectionné dix projets, qui nous ouvrent de nouveaux horizons de Kolkata au Caire, en passant par Dhaka. Enfin, Une attention particulière réunit l’oeuvre photographique de trois étudiants de l’École nationale supérieure de la photographie (ENSP), et invite à découvrir leurs singularités esthétiques et conceptuelles. 

SØSTERSKAP
PHOTOGRAPHES CONTEMPORAINES NORDIQUES
Église Saint-Anne
 
Søsterskap met en évidence le rôle crucial joué par plusieurs générations de photographes dans les pays nordiques en posant sur l’état providence un regard féministe intersectionnel. Les artistes étudient le contexte socio-politique de l’état providence, « le meilleur ami de la femme », selon un slogan. À travers le prisme de la photographie, Søsterskap donne une visibilité au modèle nordique tout en interrogeant la friction entre le subjectif, le collectif et le politique à mesure que ceux-ci se déploient dans l’état providence. La vie familiale, le travail, l’ethnicité, le colonialisme et la répartition genrée des tâches constituent une partie des sujets abordés par Søsterskap, qui n’occulte pas pour autant le côté sombre du modèle, où l’on trouve de l’exclusion et une croissance économique constante qui tend à accélérer la crise écologique globale.

PRIX DÉCOUVERTE
FONDATION LOUIS ROEDERER

Église des Frères-Prêcheurs


Cette année, dix projets sont rassemblés dans une seule et même exposition qui met en valeur la scène émergente, de manière innovante et éco-responsable. Notre condition influence notre manière de voir. Les artistes présentés sont unis par cette notion de perception changeante. L’ambiguïté inhérente à l’image est exploitée pour livrer des visions alternatives du monde, mais aussi pour questionner nos attentes envers le cliché lui-même. Le fil rouge de cette exposition n’est pas une thématique, mais une proposition : constater que la relation mouvante entre le public et l’image est conditionnée par la mémoire individuelle et le médium de visualisation. En pointant aussi nos propres subjectivités de spectatrices et de spectateurs, ces artistes nous invitent à reconfigurer notre vision du monde à leurs côtés.


Projets sélectionnés, de gauche à droite
– Ibrahim Ahmed (Koweït / Égypte) et Lina Geoushy (Égypte / Royaume-Uni) présentés par Tintera (Égypte / Royaume-Uni)  
– Soumya Sankar Bose (Inde) présentée par Experimenter (Inde)  
– Philippe Calia (France / Inde) présenté par Tarq (Inde)
– Samantha Box (Jamaïque / États-Unis) présentée par Tiger Strikes Asteroid (États-Unis)
– Md Fazla Rabbi Fatiq (Bangladesh) présenté par Pathshala South Asian Media Institute (Bangladesh)
– Hien Hoang (Vietnam / Allemagne) présenté par Florida Lothringer 13 (Allemagne)
– Nieves Mingueza (Espagne / Royaume-Uni) présenté par Peckham 24 (Royaume-Uni)
– Vishal Kumaraswamy (Inde) présenté par Party Office (Inde)
– Isadora Romero (Équateur) présenté par R Magnum Foundation (États-Unis)
– Riti Sengupta (Inde) présenté par Jojo (Inde)

Commissaire : Tanvi Mishra.

Avec le soutien de la Fondation Louis Roederer et de Polka.

JINGYU CAO, RAPHAËL LODS ET IRIS MILOT 
UNE ATTENTION PARTICULIÈRE
Ground Control


Cette année, les trois diplômé.e.s de l’ENSP sélectionnés pour être exposés au festival sont Jingyu Cao, Raphaël Lods et Iris Millot, pour la pertinence et l’hétérogénéité de leur démarche artistique, ainsi la richesse de leurs approches esthétiques et conceptuelles. Jingyu Cao s’intéresse à l’impact des images médiatiques, virtuelles et réelles et pratique une vigilance continue vis-à-vis des technologies qui modélisent notre façon de percevoir le monde. Raphaël Lods produit l’archive des bâtiments de son bisaïeul, l’architecte moderniste Marcel Lods. Alors que ses œuvres se font peu à peu détruire, abandonner ou réhabiliter, le photographe les retrouve et les recense. Iris Millot récolte des indices, collecte des traces pour construire des récits se penchant sur les relations que tissent les êtres humains avec leurs milieux. Pour cette exposition, elle propose de traverser les strates à la fois intimes et sociales des terres agricoles habitées et travaillées par sa grand-tante, militante du MLF.


Exposition coproduite par l’École nationale supérieure de la photographie, Arles et les Rencontres d’Arles

Infos pratiques :

EXPOSITIONS DU 3 JUILLET AU 24 SEPTEMBRE INCLUS

Forfait journée
Une entrée par lieu, valable sur une journée.

JUILLET / AOÛT
En ligne : 32 €
— Tarif réduit : 27 €
Sur place : 34 €
— Tarif réduit : 29 €


EXPOSITIONS – Les Rencontres d’Arles (rencontres-arles.com)





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