Jeu de Paume : Frank Horvat et Johan van der Keuken

Franck Horvat, Le Sphinx, en coulisse, Place Pigalle, Paris, 1956.

« J’étais le libérateur, le croisé, qui allait libérer les femmes de toutes ces conventions, de toutes ces perruques, de tous ces maquillages, de toutes ces poses stéréotypées. J’allais montrer la vraie femmes » Frank Horvat

L’exposition proposée par le Jeu de Paume Paris après le Château de Tours, a la particularité par rapport à d’autres rétrospectives, de se focaliser sur les 15 premières années de son parcours, en 1950 (rencontre à Paris avec Cartier Bresson) et 1965 (sommet de sa carrière dans la mode avec Harper’s Bazaar). Une période charnière retracée à partir de 170 images et 70 documents d’archives conservés par sa fille dans sa maison atelier de Boulogne dont certains jamais montrés.

Frank Horvat, Deborah Dixon sur les marches de la Piazza di Spagna, haute couture italienne, Rome, Italie, pour Harper’s Bazaar, 1962

Francesco Horvat né à Abbazia (Italie) en 1928, doit se réfugier en Suisse avec sa mère à Lugano. Il étudie à Milan et se lance dans le monde de la publicité sans apprécier. Il décide de devenir photographe. Il commence à publier pour les journaux Epoca. Die Woche et Sie und Er en signant Franco Horvart. Il rencontre Cartier Bresson à Paris en 1951 qui lui conseille de se mettre au Leica. Il part en Inde et au Pakistan pour un voyage initiatique. L’une de ses images est sélectionnée par Edward Steichen pour la fameuse exposition « The family of man » au MoMa, son destin est joué ! Après l’Asie et un passage à Londres il s’établit à Paris recevant une commande du magazine Réalités d’une enquête sur le proxénétisme.  Il explore le monde de la nuit qui le fascine et réalise une série au cabaret de strip tease le Sphinx où il est admis en coulisses. Il devient membre de l’agence Magnum où il ne restera pas. Le spectateur devient un voyeur, un thème qui l’habite et le poursuit. Il fait l’acquisition d’un téléobjectif Novoflex, passionné par les nouveautés techniques et prend des vues de Paris Innovantes. Camera lui consacre 20 pages et il est exposé à la première Biennale de Photographie de Venise. William Klein suite à ses images, lui présente Jacques Moutin, le directeur artistique du Jardin des Modes. Il pose ses conditions : lumière et décors naturels, appareil petit format, mannequins sans maquillage outrancier. Le style reportage est ainsi décliné et fait recette. Horvart collabore pour le Vogue anglais et Harper Bazaar, le graal. Il recherche des mannequins atypiques prêts à s’adapter à un style plus naturaliste qui tranche avec les codes telles que Nico ; Deborah Nixon pu Anna Karina. Mais suite à une rupture familiale et professionnelle, il décide de quitter la mode et part faire un tour du monde à la suite d’une commande du magazine allemand Revue sur 12 villes non européennes : Le Caire, Tel Aviv, Calcutta, Sydney, Bangkok…Mélancolie, échange des regards, solitude, dans des variations hallucinées. Mais Revue ne gardera qu’une petite partie de cet opus et les tirages restent en sommeil dans des boîtes. Pouvoir les découvrir est donc un évènement.

Johan van der Keuken : Le rythme des images

Avec le photographe et cinéaste néerlandais Johan van der Keuken, il s’agit d’une découverte  pour le public français. L’artiste a 12 ans lorsqu’il est initié par son grand père à la photographie et il publie son première livre de photographie à seulement 17 ans. Il vient à Paris un an plus tard, suivre des études à l’Institut des Hautes Etudes Cinématographiques. Le parcours alterne images et court métrages, van der Keuken choisissant le médium photographique dans les années 1960.

Johan van der Keuken Wij zijn 17, 1955 Collection Universitaire Bibliotheken Leiden © Noshka van der Lely

Chaque film introduit une salle suivante. Le son, la musique font partie intégrante de sa narration. La vitalité et l’énergie de la ville l’inspire : Paris, Amsterdam, New York. La recherche de l’état émotionnel et de l’expérimental, les instantanés de rue, le rythme rompent avec une narration linéaire. Il est un grand admirateur du cinéma de la Nouvelle Vague. Le cadre, la fenêtre, le corps,  la surface vide et plane constituent son vocabulaire plastique. Il se tourne vers des sujets engagés et politiques dans les années 1970 et 80 anticipant des enjeux géopolitiques devenus cruciaux de nos jours.

Infos pratiques :

Frank Hovart, Paris, le monde, la mode

Johan van der Keuken Le rythme des images

Jusqu’au 17 septembre

Jeu de Paume Paris – Photographie, cinéma, art contemporain