Georges Fouquet, Pendentif Nymphe des mers, Or, mosaïque d’opales, émail et diamants, Vers 1900-1905. Tokyo, Collection Albion Art. Photo Tsuneharu Doi © Albion Art Institute © ADAGP, Paris, 2023
Pour sa 12ème exposition à Paris, l’Ecole des Arts Joailliers fait revivre une période très féconde pour le bijou : l’Art nouveau. Parfois éclipsé par le bijou Art déco qui le suit, il fait preuve d’une grande inventivité dans une période charnière entre évolution de la science et émergence de l’Art & Crafts.
La figure de l’artiste artisan épris de nostalgie pour un passé fantasmé par les symbolistes et agrémenté d’influences extra-orientales de par le développement des conquêtes lointaines et la vogue des Expositions Universelles qui élargissent les horizons impose une explosion des formes et matières. L’attrait des sciences avec les découvertes de Darwin, l’exploration des fonds sous-marins et de l’infiniment petit, les débuts du cinéma favorisent des sujets hérités de la nature : serpents de mer, corail, pieuvre, coquillages.. tandis que les pierres sont recherchées non pas pour leur préciosité mais la sensation qu’elles procurent dans la lignée d’un Huysmans.
Les tourmalines, les quartz, les topazes mais aussi la perle, le nacre, l’ivoire, la soie offrent de nouvelles possibilités dont se saisissent les ateliers. Le verre devient un ornement à soi tout seul, de même que l’émail qui vit son heure de gloire recherché pour son caractère translucide Les fleurs et leur symbolique, les arabesques, les nymphes, ailes de papillon…incarnent l’idéal féminin.
Rosella Foissart, commissaire de l’exposition parle d’une faculté à « poétiser le monde » par ces créateurs. René Lalique reste le maître de ce mouvement aux côtés d’autres personnalités parfois moins connues que l’on redécouvre au fil du parcours. Ainsi de Georges Fouquet, Elisabeth Bonté-seule femme avec Jeanne Soyer-, Eugène Grasset, Jules Desbois, Jean Dampt, Edward Colonna, Victor Prouvé ou Henri Vever, fabricant, marchand d’art et grand collectionneur.
Conçue comme un cabinet de curiosité du merveilleux dans une scénographie toute en courbes, l’exposition est tout à fait enchanteresse à l’instar des créatures de Gustave Moreau ou d’Odilon Redon.
Les mythes et créatures fantastiques et le règne de la métamorphose dominent dans le premier chapitre avec de fascinantes créations comme l’ornement de corsage de Georges Fouquet « Serpent de mer ailé » en or, émail, émeraudes et perles ou la « Nymphe des mers » de Georges Fouquet, un pendentif d’émail et de diamants sur une fabuleuse mosaïque d’opale simulant les reflets de l’océan. Coup de cœur pour la plaque d’ émail de Jeanne Soyer « La Bourrasque » qui représente une femme à l’abondante chevelure rousse, couleur symbolisant tous les excès, prise dans le feuillage comme courant à sa perte.
Dans la 2ème partie intitulée « éclosions » le règne du vivant explose dans toutes ses variations entre l’extraordinaire collier avec pendentifs « Femme papillon » de Lalique, sa broche aux quatre libellules ou sa broche plaque Glycines en or, opales et diamants mais aussi le peigne Cigales de Gaston Chopard ou la broche de Lucien Hirtz pour la Maison Boucheron au décor d’une forêt.
Dans la dernière partie l’on sent les prémisses du bijou l’Art déco poindre avec les débuts de l’abstraction et des lignes plus géométriques comme avec cette broche de Lalique en miroir et métal ou la plaque de cou d’Emile Saint Yves d’esprit japonaisant mais dans un cadre strict.
Non seulement un éblouissement des sens mais une virtuosité technique dans une exposition aussi féérique que pédagogique autour de prêts prestigieux ! Ne boudez pas votre plaisir.
Infos pratiques :
Un art nouveau, Métamorphoses du bijou 1880-1914
Jusqu’au 30 septembre
Entrée gratuite
Ecole des Arts Joailliers -avec le soutien de Van Cleef & Arpels
31 rue Danielle Casanova, Paris 1
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