Tacita Dean, Foreign Policy, 2016 Craie sur tableau noir, 244 x 244 cm. © Tacita Dean. Marian Goodman Gallery New York/ Paris; Frith Street Gallery, London Photo Fredrik Nilsen Studio 159
Emma Lavigne signe l’une de ses expositions les plus abouties pour la Bourse de Commerce-Pinault Collection, dans cette convocation du sublime par les artistes contemporains. Ce courant de l’esthétique décliné notamment en peinture vise à décrire des forces naturelles illimitées, indomptables, faisant jaillir chez le regardeur une intense solitude comme dans les toiles de Caspar David Friedrich, l’un des maîtres du sublime auquel fait directement référence Tacita Dean. « Avant l’orage » transforme ainsi le bâtiment de Tadeo Ando en une vaste caisse de résonnance des vibrations d’un monde avant catastrophe soulignant notre impuissance face au désastre en marche. Des météorologies en suspens.
Pour la rotonde, le jardin sombre de Danh Vo plante magistralement le décor avec cette forêt meurtrie lors des tempêtes, dont les branches tortueuses soutenues par ce qui ressemble à des béquilles, s’élancent tant bien que mal vers la coupole et sa célébration des denrées coloniales. L’artiste d’origine vietnamienne a connu le déracinement forcé et l’exil. Sa compatriote Thu Van Tran se saisit aussi de cette histoire pour une intervention in situ d’un chromatisme plus doux mais dérangeant avec ces tâches et couleurs violacées issus de résidus de caoutchouc qui contaminent les murs à l’instar des stigmates des prédations de l’Occident.
Il faut savoir lire entre les lignes de ce paysage mouvant comme avec les peintures abstraites de Frank Bowling qui dessinent en creux l’hémisphère sud-américain afin de lui redonner toute sa place dans l’histoire des Etats-Unis. Après la barrière sonore dans l’escalier à double révolution de Dominique Gonzalez-Foerster qui incite à la mélancolie place à l’éclair avec Breathing Lines de Daniel Steegmann Mangrané, ces fils de lumière qui réagissent aux fluctuations climatiques et à la présence des visiteurs en écho avec la course du soleil de Cy Twombly.
La traversée se poursuit avec les écosystèmes mutants d’Hicham Berrada, Présage ou de Pierre Huyghe, des aquariums qui jouent les dioramas pour apprentis sorciers du monde d’après. La nature en trompe-l’œil dans le revers d’une veste masculine chez Robert Gober renvoie au microcosme enfermé et laisse planer un doute comme avec les hybridations entre naturel et artificiel de l’artiste Anicka Yi, ses lanternes de papier de cocons d’algues qui enfante des insectes animatroniques. Autres manipulations avec les végétaux choisis par Benoit Pieron pour leurs propriétés pharmacologiques. Confrontation plus saisissante au chaos avec le théâtre irradié de Chernobyl de Diana Thater qui souligne la fuite en avant industrielle mais aussi nos liens d’interdépendance.
Comme le résume Emmanuele Coccia dans le catalogue : « La vie est climat plus que métabolisme. Et le climat l’importe toujours sur l’histoire.. » Les soubresauts telluriques de cette nouvelle saison de la Pinault Collection sont à vivre et à partager sans modération et avant qu’il ne soit trop tard…
Catalogue coédité par la Bourse de Commerce—Pinault Collection et les éditions Dilecta,
Sous la direction d’Emma Lavigne, 208 pages / 45€ / 22,4 × 28,6 cm
Infos pratiques :
Avant l’orage,
Une nouvelle saison d’expositions
Bourse de Commerce –Pinault Collection
Jusqu’au 11 septembre
Du lundi au dimanche de 11h à 19h
Fermeture le mardi
Billets
– Plein tarif 14 €
– Tarif réduit 10 €
Une carte, trois musées
Super Cercle, la carte gratuite des 18—26 ans
2, rue de Viarmes
75001 Paris