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« Mirror, Mirror » : Mode et projection de soi au MoMu d’Anvers

Tschabalala Self Lenox, 2019, fabric, ribbon, painted canvas, flashe and acrylic on canvas. Courtesy of the artist and Pilar Corrias, London, © Photo: Damian Griffiths

Retour sur la 2ème édition d’Art Anvers et quelques lieux incontournables de la cité porturaire ultra dynamique comme le musée de la mode, le MoMu, qui connait une renaissance après son lifting, étendard des fameux Six d’Anvers : Ann Demeulemeester, Dries Van Noten, Walter Van Beirendonck, Dirk Bikkembergs, Marina Yee et Dirk Van Saene, étudiants de l’Académie Royale des Beaux-Arts dans les années 80 qui portent la création belge au firmament.

Outre la présentation de ses collections, l’exposition actuelle « Mirror, Mirror Fashion & the Psyche » conçue avec le Musée du Dr Guislain à Gand se penche sur les distorsions psychiques et projections de soi engendrées par la sphère de la mode. Si le Body positivity a semblé ouvrir les catwalks à plus de diversité, les diktats de la minceur (silhouette Y2K, années 2000) sont bel et bien de retour avec pendant le confinement une explosion des troubles du comportement liés à l’usage de filtres sur les réseaux sociaux occasionnant une angoisse de perte de contrôle, notamment chez les femmes de plus en plus victimes de dysmorphophobie (TDC) ou attention maladive sur un défaut réel ou supposé du corps.

Vue exposition Mirror Mirror – Fashion & the Psyche

Que disent nos vêtements de nous ? Sont-ils nos meilleurs alliés ? Comment les créateurs peuvent-ils s’affranchir des normes dans une industrie parfois cynique même si engagée ? Autant de questionnements captivants dans un parcours immersif où l’art et la mode se rejoignent. Dès l’entrée nous sommes accueillis par la troublante sculpture 3 D de Dirk Van Saene « I Feel Perfectly Terrible », personnage qui flotte dans son costume et introduit un décalage entre l’image perçue et l’image véhiculée. Car c’est bien du corps dont il s’agit dans l’ensemble du parcours et de ses affects, pièges perceptifs. Des créateurs majeurs comme Rei Kawakubu, fondatrice de Comme des Garçons et sa collection « Lumps ‘n Bumps » pleine d’appendices sur les fesses, les hanches, le ventre…ou Walter Van Beirendonck qui avec l’artiste Erwin Wurn imagine « Cloud » (défilé printemps-été 2022) des silhouettes perdues dans les nuages de pastels, proches de la claustrophobie. En regard l’artiste et militante Tschabalala Self surjoue la difformité corporelle avec ces avatars qui dénoncent les aprioris sur le corps féminin noir. Ces enjeux posés, nous sommes invités à passer de l’autre côté du miroir avec l’installation spécialement conçue par la sculptrice américaine Genesis Bellanger « Esmeralda City ». Ses décors d’objets en béton ou porcelaine, faussement lisses, racontent nos goûts, désirs, addictions dans des mises en scène attirantes et repoussantes à la fois. Ici ce sont des grandes oreilles qui invitent à aller de l’autre côté des rideaux pour pénétrer dans des confidences obscures.

Comme des Garçons, Autumn-Winter 2017-18© Photo: Josh Olins

La 2ème partie de l’exposition intitulée « Replica » est à mon sens la plus pertinente et inédite, centrée sur le rôle du mannequin dans l’histoire de l’art et de la mode. Si l’on s’attend à retrouver une poupée de Hans Bellmer, les Bunnies grinçantes de Sarah Lucas ou la vidéo trash de Mike Kelley et Paul McCarthy d’une Heidi déculottée sèment le malaise. Petite merveille que ce « Théâtre de la mode » initié dans le Paris libéré de 1945 avec ces 237 poupées miniatures, habillées en robes de jour et de soirée de différentes maisons de couture parisiennes. Une invention qui va avoir des résurgences jusqu’à la période récente de la pandémie où les créateurs ont dû développer des trésors d’imagination pour leurs défilés virtuels.

Kenneth Ize, lookbook photographed in Lagos, Nigeria, Spring-Summer 2019
© Photo: Kene Nwatu

Du mannequin à l’humanoïde… s’ouvre le dernier volet du parcours « Avatar » un corps à corps perdu parmi les écrans aux côtés du très talentueux poète aux accents shakespeariens Ed Atkins, qui sur fond d’hyper sophistication numérique traite de morbidité, de cadavre, de flux, de démembrement, de grotesque et de bizarre. La dissolution de soi va jusqu’au mirage avec Melik Ohanian ou son complice Pierre Huyghe provocant les prémisses d’un nouveau scénario. On peut dire que les commissaires Elisa De Wyngaert et Yoon Hee Lamot poussent loin les possibles de cette fable qui se prolonge dans le premier hôpital pyschiatrique belge à Gand, au Musée du Dr Guislain. Une note plus oppressante liée à l’urgence de la création dans des conditions extrêmes d’enfermement.

Infos pratiques :

Mirror Mirror – Fashion & the Psyche

Jusqu’au 26 février 2023

MoMu (Anvers)

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