Vues de l’exposition Musées en exil, MO.CO. Montpellier Contemporain, 2022. Photo : Pauline Rosen-Cros
«..le musée est le seul lieu du monde qui échappe à la mort. » André Malraux
L’entreprise d’éradication massive de la culture ukrainienne par Vladimir Poutine passe par la liste de destruction de sites culturels qui ne cesse de s’allonger (207 sites en date du 24 octobre selon la plateforme de suivi créée par l’Unesco), rejoignant le lourd tribu du patrimoine sacrifié en temps de guerre que ce soit à Palmyre ou en Afghanistan (Bouddhas de Bamiyan). Faut-il sortir les œuvres du pays avec les risques que cela suppose, les maintenir dans un lieu secret ? Et quel statut donner à ce musée temporaire ? Des enjeux qui engagent l’ensemble de la communauté internationale et nous rappellent que l’art n’est jamais un luxe comme le dit Numa Hambursin, directeur général du MO.CO en préambule de la visite de l’exposition Musées en exil dont le commissariat est assuré par Vincent Honoré, directeur des expositions et Pauline Faure, senior curator.
A partir de trois modèles de résistance au Chili, en Bosnie et en Palestine, l’exposition retrace ces histoires singulières et souvent méconnues basées sur la générosité et la solidarité des artistes et des commissaires comme Ernest Pignon Ernest à l’origine du Musée des artistes du Monde contre l’Apartheid qui s’engage également pour le Museo Internacional de la Resistencia Salvador Allende à Santiago et le Musée national d’art moderne et contemporain de la Palestine aux côtés d’Elias Sanbar, écrivain et ambassadeur de la Palestine auprès de l’Unesco qui avec Jack Lang, décide de son hébergement en France à l’Institut du Monde Arabe. Nés dans des contextes d’urgence, ces musées en exil deviennent des symboles et des outils de diplomatie culturelle, certains étant toujours en attente de leur installation permanente comme à Sarajevo où le bâtiment du musée Ars Aevi conçu par l’architecte Renzo Piano, n’est toujours pas construit, faute de moyens financiers.
Le parcours ouvre l’incroyable épopée de Guernica qui va connaitre 44 ans d’exil, avant de rejoindre le Prado en septembre 1981 après avoir trouvé refuge au Moma de New York. Le musée du Louvre est aussi soumis aux mêmes contraintes pendant l’Occupation avec les déplacements forcés de chefs d’œuvres tels que la Mona Lisa ou la Vénus de Milo. En province cela concerne également le Musée Fabre qui du mettre à l’abri ses trésors en quelques semaines avec comme victime collatérale le chef d’oeuvre de Cabanel «l’Ange déchu», exceptionnelement prêté.
L’histoire du Musée de la Solidarité Salvador Allende, MSSA (Chili) qui réunit aujourd’hui 3000 œuvres est étroitement liée à celle de la France où de nombreux artistes latino-américains en exil : Victor Vasarely, Julio Le Parc, Antonio Saura…s’engagent aux côtés d’intellectuels célèbres tels que Roland Barthes ou Louis Aragon, pendant la période du Musée International de la Résistance Salvador Allende (MIRSA). Des réseaux de collaboration essentiels qui depuis la France organisent des expositions itinérantes et portent un message de soutien au peuple chilien. Ce sont pas moins de 196 artistes qui font des dons entre 1977 et 1985 d’œuvres engagées, majoritairement des peintures entre abstraction, nouvelle figuration et art cinétique.
La collection du musée Ars Aevi –anagramme incomplet de Sarajevo- nait au début du siège de la ville sous l’impulsion d’un groupe d’intellectuels au moment de la Biennale d’art contemporain. Près de 150 artistes internationaux majeurs répondent à l’appel : Jannis Kounellis, Michelangelo Pistoletto, Daniel Buren, Maja Bajevic, Panamarenko…De nombreux directeurs de musées organisent des expositions de ces œuvres partout en Europe, tandis que le Projet Ars Aevi est présenté lors des Biennales de Venise de 1993 et 2009, suscitant de nouveaux partenaires et relais internationaux. C’est la partie la plus magistrale de l’exposition avec un accrochage de ces œuvres puissantes autour de la mémoire et du temps, puisqu’à ce jour l’amnésie persiste sur un héritage culturel partagé entre la désormais Fédération de Bosnie-Herzégovine et la République Serbe de Bosnie. L’art symboliserait ainsi un message positif au sein de cette région des Balkans.
Etat membre de l’Unesco depuis 2011, l’Etat palestinien a décidé de créer un fonds d’œuvres pour ses citoyens en vue d’un futur Musée National d’art moderne et contemporain de la Palestine qui verrait le jour à Jérusalem Est, capitale d’une Palestine libre et souveraine comme le rappelle Elias Sanbar. L’action de Jack Lang a été primordiale, de même que la série d’expositions organisées à l’IMA dont la couverture médiatique a été considérable. A ce jour 212 œuvres de 156 artistes, tous médiums confondus, constituent la collection toujours en devenir. Elias Sanbar précise que parmi les principes régissant les dons, les artistes doivent avant tout se poser la question suivante : « Que souhaitez-vous montrer de votre art à la Palestine ? ». Il se réjouit de figurer au MO.CO aux côtés du Musée de la Solidarité Salvador Allende de Santiago et du musée Ars Aevi de Sarajevo. Une première exposition Hors-les-murs qui en appellera d’autres comme il l’espère.
Relire mon interview de Vincent Honoré en juin 2021.
Catalogue aux éditions Liénart (en vente à la librairie)
L’exposition est placée sous le patronage de l’UNESCO.
À l’occasion de Musées en exil, le service des publics du MO.CO. a imaginé des dispositifs inédits :
un parcours d’exposition pensé à hauteur d’enfants
Infos pratiques :
Musées en exil
Jusqu’au 6 février
A ne pas manquer également : Après l’école, 2ème Biennale Artpress des jeunes artistes
Jusqu’au 8 janvier