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Palais de Tokyo : Cyprien Gaillard, Guillaume Leblon et Minia Biabiany

Cyprien Gaillard HUMPTY\ DUMPTY, Lafayette Anticipations Photo : Timo Ohler

Pour les 20 ans du Palais de Tokyo riche d’une longue histoire parfois complexe  et chaotique comme le souligne Guillaume Désanges il est question de sonder les récits et les fantômes de ce lieu. Des « histoires et des géographies sensibles » qui ouvrent avec le projet en deux volets de Cyprien Gaillard que l’on retrouve après une intense période d’internationalisation qui lui vaut à présent d’être représenté par les puissantes galeries Gladstone et Spruth Magers. Peu d’artistes français peuvent se targuer d’une telle réussite.

Cyprien Gaillard, Document Photographique. Référence pour HUMPTY \ DUMPTY, Paris, Novembre, 2021© Cyprien Gaillard. Crédit photo : Max Paul

Avec « Humpty \ Dumpty » dont la 2nde partie se déroule à Lafayette Anticipations, l’artiste sonde les traces d’usure et de dégradation des monuments de Paris à la veille des Jeux Olympiques alors qu’il faut hiérarchiser les priorités en termes de restauration. Il a ainsi pu récupérer dans les entrepôts de la voirie de Paris de grands sacs remplis de cadenas,  responsable de la chute des grilles de la Passerelle des Arts en 2014. Des preuves d’amour qui ont peu à peu façonné ce quartier.

Cyprien Gaillard HUMPTY\ DUMPTY, Lafayette Anticipations Photo : Timo Ohler

Un désir de préservation des choses qui se manifeste avec encore plus d’emphase dans le bâtiment de Rem Koolhaas autour de son grand projet de réhabilitation de l’horloge de Jacques Monestier, sculpture monumentale unique au monde, victime des ravages du temps et de l’inertie générale. Son automate était à l’arrêt depuis 2003. Comme dans un opéra cette figure chevaleresque surgit du plafond de la Fondation, avec à ses pieds un monolithe noir constitué de restes amiantés du sol du Palais de la Découverte et aux sons d’une musique planante du compositeur new age Laraaji. L’ensemble certes inspirant, peut-il être vraiment considéré comme une exposition ? Revenons donc au Palais de Tokyo après cet intermède très scénarisé.

Guillaume Leblon, PARADE Palais de Tokyo photo Aurélien Mole

Guillaume Leblon avec « Parade » signe une dramaturgie brillante à la fois intérieure et extérieure sous le régime de l’entropie. Usure et épreuve du temps, cycles de vie de la matière, érosion des souvenirs et des affects sont autant de déclencheurs conceptuels et imaginaires tendus au regardeur. La salle d’exposition est ainsi traversée par des rails, (en écho à d’autres convois plus sinistres ?) sur lesquelles sont arrimées les œuvres. Comme dans un défilé militaire ou un carrousel de fête foraine. Le spectateur doit marcher sur un sol composite constitué de multiples morceaux de bois récupérés et réemployés tandis qu’un arbre calciné et des parapluies désarticulés flottent dans le bassin visible depuis les fenêtres. Une vision post apocalyptique peuplée de fantômes. Avec la silhouette d’un cheval sous un drap blanc, qui n’est autre que du plâtre « Lost friend » l’on songe aux jeux de l’enfance, à cette période enfouie sous les strates invasives de l’âge adulte ou aux tournois du Moyen Age. Jetée au sol, « Jacket of a politician » dont la capuche est tournée face contre terre l’on songe à un possible retournement du destin de l’homme fort ou sa corruption éventuelle. Autant d’interprétations libres et ouvertes qui visent à bouleverser un certain ordre établi, d’incertitudes qui planent sur nos existences, d’humeurs, de signes…qu’il nous faut déchiffrer en fonction de notre parcours, notre histoire, notre vécu. Une première rétrospective française pour un artiste également très bien représenté à l’international par les galeries Carlier Gebauer (Berlin Madrid), Project SD (Barcelona) et Nathalie Obadia (Paris-Bruxelles).

Ce parcours serait incomplet sans les ellipses subtiles de l’artiste Minia Biabiany qui apparait à deux reprises, à la fois dans l’exposition collective « Shéhérazade, la nuit » et personnelle « difé » ou feu en créole. Autres géographies, autres fictions, autres imaginaires, autres territoires : les Caraïbes et la Guadeloupe dont les traditions vernaculaires sont parasitées par l’histoire coloniale et ses résurgences. La pratique du tissage est pour l’artiste le véhicule pour questionner les voix de la colonialité de cette région insulaire qu’elle habite. Avec la video the length of my gaze at night il est question de l’eau de l’océan cimetière ou de la présence du feu avec le volcan de la Soufrière ou les figures de bananiers en bois brûlé, différents éléments traumatiques entremêlés. Une grande économie de moyens au service de la sensation et de l’évocation. J’avais découvert l’artiste avec Guillaume Désanges à la Fondation d’entreprise Hermès La Verrière en 2020 puis revue lors de son exposition au centre d’art des Tanneries. Basée à Saint Claude (Guadeloupe) et à Mexico, elle y a lancé un projet pédagogique collectif expérimental à partir de la pensée anticoloniale caribéenne en lien avec ses recherches sur la pédagogie en Caraïbe. Elle sera prochainement exposée au Grand Café Saint-Nazaire.

A venir :

Le Grand Désenvoutement 

chapitre 1, les récits de soi

Commissaires : Guillaume Désanges et Adélaïde Blanc

Du 9 au 18 décembre

Foudre sentimentale

Commissaire : Hugo Vitrani

Du 15 décembre au 8 janvier 2023

Naissance du Podcast ARTE Radio

Du 3 au 12 décembre

Infos pratiques :

Cyprien Gaillard

HUMPTY \ DUMPTY 

Au Palais de Tokyo & à Lafayette Anticipations

https://www.lafayetteanticipations.com/

Guillaume Leblon PARADE

Shéhérazade la nuit

Minia Biabiany DIFE

Livia Melzi TUPI OR NOT TUPI

Palais de Tokyo

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