Lin Zhipeng (aka n°223), Mask & Cherry, 2011 © n°223. Courtesy in)(between gallery
« Love Songs Photographies de l’intime » réunit 14 séries de photographes emblématiques autour de ce qui fait l’essence d’une vie amoureuse et affective avec comme questionnement sous-jacent l’objectivité du medium photographique. De René Groebli à Hervé Guibert, Alix Cléo Roubaud, Araki, Larry Clark… pour la Face A de 1950- 2000 à Sally Mann, Leigh Ledare, Hideka Tonomura ou Collier Schorr pour la Face B des années 2000 à 2020, cette traversée du désir et regard de l’être aimé.e nous plonge dans une cartographie de sentiments et d’émotions rehaussée de la playlist personnelle de Simon Baker, directeur de la MEP et commissaire de l’exposition.
Un bonus qu’il nous livre complété par des visites sonores immersives. Love Songs se révèle une approche tout à fait inédite dans sa capacité à aller du plus intime au plus universel autour d’une histoire de la photographie exclusivement perçue sous le prisme de l’amour. Simon Baker nous dit pourquoi à l’occasion de l’ouverture de l’exposition de l’artiste Karla Hiraldo Voleau présentée en résonance au Studio.
Quel a été le déclencheur de cette exposition ?
L’origine de cette exposition est double. D’une part elle s’inscrit à la suite d’une conversation avec Nan Goldin autour de la question du voyeurisme à partir de son œuvre emblématique The Ballad of Sexual Dependency. Son plaidoyer qui insistait sur la légitimité de cette œuvre d’art à ne pas être considérée comme voyeuriste mais au contraire généreuse, m’a interpellé. D’autre part mon échange avec Araki autour de sa photographie de son épouse défunte Yoko et son impossibilité à capter l’absence. Ces deux questions autour de comment on peut photographier l’intimité et la mort et comment notre regard est affecté par les émotions amoureuses ont posé les jalons de cette exposition.
Comment avez-vous procédé à la sélection des œuvres ?
Ma volonté était d’aborder en profondeur l’intimité amoureuse donc plutôt que de me concentrer sur quelques images, j’ai voulu donner à voir des séries dans leur totalité. Ce n’est pas la même chose de découvrir un ou deux clichés de couples que de parcourir des livres ou de grands ensembles comme avec Emmet Gowin par exemple qui pendant 50 ans a photographié sa femme ou avec Nan Goldin et plus de 800 images de son diaporama. J’ai privilégié de véritables histoires plutôt qu’une sélection arbitraire de quelques œuvres de chaque artiste. Nous avons pensé chaque série un peu comme une chanson et The Ballad of Sexual Dependency parle d’une chanson.
Vous proposez une playlist en souvenir de ces K7 enregistrées à partir de disques vinyles que nous compilions pour offrir et marquer notre amour, pourquoi ce geste ?
N’étant pas artiste, je préférais ne pas associer de façon définitive les morceaux avec une série mais plutôt d’opérer une sélection personnelle de chansons qui me parlent, faisant le même parti que les artistes d’ouvrir mon intimité. Cela permet à notre public de regarder différemment ces séries à partir d’un corpus musical, ce qui rejoint intimement la démarche de Nan Goldin.
Y a-t-il selon vous, des constantes en matière d’écriture photographique autour de l’amour ?
Même s’il n’y a pas un style commun, l’on trouve néanmoins certaines constantes autour des débuts d’une relation comme avec René Groebli ou Araki : les lunes de miel, les premières semaines partagées ou la volonté de s’inscrire dans une durée d’une relation dont nous devenons alors partie intégrante. Les objets ordinaires, les détails du quotidien, la proximité, les chambres reviennent de manière récurrente en effet et participent d’une même « familiarisation » subversive comme je le développe dans le catalogue.
Le Studio présente l’exposition de la photographe franco-dominicaine Karla Hiraldo Voleau, après l’artiste japonais Motoyuki Daifu, qu’est-ce qui vous a séduit dans leur pratique ?
Il convient de souligner que c’est la première fois que nous déclinons le Studio dédié à la jeune création à notre thématique principale, afin de montrer la pertinence aujourd’hui des générations antérieures historiques et comment les artistes contemporains repensent cette question de l’intimité à l’ère post internet de manière très novatrice.
Karla Hiraldo Voleau dans son livre Hola Mi Amol retrace ses rencontres tendres et décomplexées avec des hommes en République Dominicaine et c’est à partir de ce livre que nous avons échangé et que j’ai réalisé à quel point son projet Another Love Story s’inscrivait dans ce que je voulais traduire ici. Elle part des derniers moments de sa relation avec un homme dont elle découvre la duplicité pour livrer une réflexion sur la place du medium photographique.
Question plus personnelle : Si vous deviez choisir parmi ces photographies/séries pour déclarer votre flamme à l’être aimé.e ?
Sincèrement je dois dire que j’ai été très touché par le travail de René Groebli qui ouvre l’exposition. C’est une proposition de Pascal Hoël, responsable de la collection de la MEP et même si je le connaissais le photographe suisse, ce livre L’œil de la mort a été une vraie découverte pour moi. Je suis impressionné par sa façon de photographier la nuque de sa compagne. Nous ne sommes pas dans l’explicite ou l’érotisme mais dans une intimité subtile et sublimée. Des fragments de l’être aimé qui me parlent davantage que l’évocation de la sexualité elle-même.
En ligne
Les artistes de Love Songs sont dans le podcast Emotions
Infos pratiques :
Love Songs Photographies de l’intime
jusqu’au 21 août
Karla Hiraldo Voleau Another Love Story
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