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Dirk Snauwaert, WIELS: «  évaluer davantage l’impact de ce que nous entreprenons, mettre en lumière des artistes invisibilisés des grands récits de l’art »

Dirk Snauwaert, directeur du WIELS que l’on connait pour son engagement et son franc-parler nous confiait lors du confinement les questions soulevées par un marché devenu boulimique et une surenchère permanente d’expositions et d’événements. La formidable et généreuse exposition « Risquons-Tout » était à la hauteur de ces enjeux. A présent et alors qu’un retour à la normale redevient possible le WIELS propose deux expositions, celle de l’artiste belge de 32 ans, Kasper Bosmans et de l’artiste libanaise Huguette Caland (1931-2019) qui incarnent les missions que s’est fixée l’institution comme le rappelle son directeur. De plus le WIELS développe un ambitieux programme de résidences internationales sous le principe du mentorat dont il nous détaille les enjeux.

Dirk Snauwaert nous dévoile également les prochaines expositions des artistes : Lucy Raven, Didier Vermeiren, Shimabuku et Marc-Camille Chaimowicz.

Quel bilan faîtes-vous depuis la fin des mesures sanitaires ?

Cela est encore assez récent mais nous constatons un retour assez timide du public encore majoritairement local. Même si cela reste modeste, il est agréable pour nous de pouvoir fonctionner normalement puisqu’en Belgique et contrairement à nos collègues des Pays Bas par exemple nous sommes restés ouverts depuis le premier confinement et n’avons pas été privés de ce qui fait le sens de nos activités. En ce qui concerne le calendrier par contre nous avons été très impactés et avons dû décaler de nombreux projets comme l’exposition de Kasper Bosmans qui vient d’ouvrir et qui était prévue il y a 2 ans. Mais par rapport à la frénésie du monde d’avant, ce ralentissement présente des avantages à la fois en termes d’expérience humaine et de projets artistiques. Alors que les expositions s’enchainaient les unes à la suite des autres, nous avons bénéficié de beaucoup plus de recul ce qui nous a permis d’évaluer l’impact de ce que nous entreprenons. L’exposition de Kasper Bosmans s’en trouve différente et sans doute plus cohérente que le format initialement prévu.

Vue de l’exposition Kasper Bosmans: Husbandry’, WIELS, Brussels, 2022. Photo © Hugard & Vanoverschelde

L’exposition de Kasper Bosmans, Husbandry

A la fois ludique et ambitieuse, l’exposition compile une panoplie de savoir-faires et de techniques beaucoup plus vaste que celle que nous avions prévue au départ. La galerie Gladstone a aidé à produire certaines œuvres réalisées avec des artisans selon la démarche et l’intérêt de Kasper Bosmans pour le vernaculaire. Il touche à tous les matériaux qui l’intéressent y compris un matériau nouveau qui est l’émail. S’il est encore un peu tôt pour parler d’exposition de mid life career en ce qui concerne l’artiste qui n’a que 32 ans, l’idée est de proposer une synthèse incluant une publication. Je tiens à souligner qu’à Bruxelles nous n’avons pas de musée qui fonctionne et joue pleinement ce rôle. Les Musées Royaux des Beaux-Arts et le Musée d’Ixelles auquel s’est ajouté le Centre Pomidou-Kanal ont une vocation d’historicisation même si pour le moment les propositions étaient assez sommaires voir stéréotypées. Nous avons à cœur de remplir ce devoir en proposant en parallèle la rétrospective d’Huguette Caland qui s’inscrit dans l’un des axes de développement du Wiels autour d’artistes invisibilisés et paradigmatiques, notamment les femmes artistes, sujet qui en Belgique, ne suscitait aucun intérêt jusqu’à assez récemment.

Vue de l’exposition Huguette Caland, Tête-à-tête, photo Hugard & Vanoverschelde

La rétrospective Huguette Caland, Tête-à-tête : genèse et enjeux

L’histoire de l’art belge était uniquement masculine, ce qui impliquait d’engager un vrai travail de pionniers. Nous agissons dans le sillage et de concert avec Paris qui a également entrepris cette démarche. Même si Huguette Caland a été parisienne pendant 17 ans, cela ne lui a pas permis de gagner la reconnaissance méritée, comme cela a été le cas avec l’artiste polonaise Alina Szapocznikow dont nous avons proposé en 2011 la première grande rétrospective européenne. Une artiste considérée aujourd’hui comme aussi importante que Louise Bourgeois. C’est le cas également de l’artiste néerlandaise Jacqueline de Jong dont nous avons proposé la première grande exposition européenne itinérante en 2021 et qui a remporté un vif succès.

En Belgique nous sommes face à un phénomène particulier car beaucoup de nos artistes, dont les femmes, sont partis ailleurs. Nous nous penchons sur cette pensée diasporique pour reprendre le terme d’Edouard Glissant. Un phénomène très tangible chez les jeunes générations mais qui était déjà à l’œuvre au préalable. Huguette Caland fait partie d’une génération de femmes qui ont révolutionné et questionné la peinture surréaliste, l’illustration, la subjectivité, dans la ligne droite de la libération et de la désinhibition des années 1960. Sa posture dissidente et son langage esthétique singulier en font l’une des clés de voûte du modernisme.

Il est surprenant qu’elle ait été si peu reconnue jusqu’ici. Son itinérance a été rendue possible par l’heureux hasard du calendrier puisque le Drawing Center de NY a pu prolonger l’exposition et nous la reprendre dans le même format.

Vue de l’exposition Huguette Caland, Tête-à-tête, photo Hugard & Vanoverschelde

L’exposition à venir : Lucy Raven, Another Dull Day

Nous avons dû reporter l’exposition à plusieurs reprises. L’occasion nous est donnée de présenter une installation vidéo récente et montrée pour la première fois et une autre commandée par la Dia Art Foundation de New York. L’exposition s’inscrit dans la généalogie que nous poursuivons autour d’artistes vidéastes qui travaillent le document, l’image vérité, l’image en mouvement et ses enjeux, dans un contexte de bouleversements sociaux-économiques. Les deux projections se font sur un écran panoramique assez immersif qui englobera deux continents, les Etats-Unis et le reste du monde à partir de la circulation du béton, matériau de base et emblème de la modernité industrielle. Un nouveau projet photographique sera également présenté.

Les résidences du WIELS sur le principe du mentorat

Chaque année nous accueillons environ 18 artistes dans le cadre de notre programme de résidences autour de sessions de 3 à 6 moins. De par les difficultés de voyages et des déplacements, nous n’avons pas réussi à les réunir tous. Pour chaque session nous mettons à disposition des ateliers à des artistes résidant en Belgique ou à des artistes internationaux suivant des appels à candidatures spécifiques. Un suivi hebdomadaire par des mentors fait partie des moyens offerts aux artistes. Des partenariats sont mis en place avec différentes fondations ou institutions à travers le monde afin de financer les résidences internationales notamment avec les pays sous représentés de la scène contemporaine. La sélection des artistes est faite par un jury constitué de moi-même, des artistes mentors du programme, et deux curatrices du WIELS.

Actuellement nos résidents sont : Mashid Mohadjerin, Damir Avdagic, Krista Mölder, Henry Andersen, Alexis Gautier, Maria Jose Murillo.

Plutôt qu’une restitution, nous préférons offrir des occasions de présentation du travail au cours de la résidence afin d’éviter des effets de rivalité et compétition. Après la résidence chaque artiste revient pour présenter une exposition, autour d’un sujet librement choisi. Marie Mul sera la prochaine résidente à se livrer à l’exercice.

Vue de l’exposition Huguette Caland, Tête-à-tête, photo Hugard & Vanoverschelde

Votre rôle auprès de Proximus Art Collection

La société Belgacom devenue Proximus détient l’une des plus importantes collections belges. Je fais partie du comité aux côtés de Chris Dercon, Président de la Réunion des musées nationaux -Grand Palais, Paris, Caroline David, Attaché culturelle française en Turquie et Jaap Guldemond, Director EYE, Amsterdam. Exposé pour la première fois au public dans cette ampleur, à l’occasion des 25 ans de la collection, cet accrochage dans les tours du siège près de Bruxelles Nord fait la part belle à la photographie.

Quelles seront les prochaines expositions ?

Nous terminerons l’année (septembre-décembre) avec l’artiste belge Didier Vermeiren et l’artiste japonais Shimabuku puis nous accueillerons le français Marc-Camille Chaimowicz, et l’artiste belgo-grèque Danai Anesiadou, sous réserve bien sûr que tout ne soit pas décalé.

Infos pratiques :

Kasper Bosmans, Husbandry

Huguette Caland, Tête-à-tête 

à partir du 27 avril : Lucy Raven

https://www.wiels.org/

Ne manquez pas également dans le quartier de Forest à la galerie Clearing, Niel Beloufa Pandemic Pandemonium. Entre casino et jeu de rôle virtuel.

Compléter par la formidable exposition de Rinus Van de Velde à BOZAR, déjà chroniquée (relire).

Organiser votre venue :

visit.brussels | Visit Brussels

https://www.thalys.com/fr

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