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L’Ultraviolette Nina Childress (enfin) célébrée au Frac Nouvelle-Aquitaine MÉCA

« En peinture il faut savoir où l’on en est par rapport au liquide. Savoir faire des crêpes, ça aide. » Une autobiographie de Nina Childress, Fabienne Radi

Nina Childress, Genoux serrés, 2020 Adagp Paris, crédit photo DR

On commence l’année 2022 avec une double actualité pour l’artiste franco-américaine Nina Childress qui bénéficie de sa première rétrospective muséale française au Frac Nouvelle-Aquitaine MÉCA et de la publication de son catalogue raisonné en co-édition Beaux-Arts de Paris et Galerie Bernard Jordan. Un succès mérité pour l’ex chanteuse punk qui n’a rien perdu de son côté cash, irrévérencieux et sans filtre. Elle souligne qu’on ne la prenait jamais totalement au sérieux parce qu’elle était jolie, parce qu’elle était femme, artiste et mère et n’hésite pas à épingler certaines galeries parisiennes dont Eric Dupont. Le dur métier d’artiste quand on choisit la peinture dans les années 1990 en France, période où le conceptuel domine ! Ses confessions à l’auteure Fabienne Radi sont drôles, espiègles et incisives. On y retrouve pèle mêle la liste de ses 69 amants façon portrait-robot, son goût pour la cuisine des abats et les nudistes « J’ai toujours aimé peindre des corps nus », ses nombreuses tentatives capillaires…jusqu’au moment où Christian Bernard lui propose une exposition au Mamco de Genève (« Quoi ? le MAMCO ? »). Cette quasi autodidacte (Nina Childress quitte les Arts Décos pour le groupe Lucrate Milk puis le collectif des Frères Ripolin) voue une passion illimitée pour les Etats-Unis où elle est née et a passé une partie de son enfance. Cette nostalgie nimbe ses toiles d’une aura singulière.

Vue exposition rétrospective de Nina Childress, Body body, du 17 décembre 2021 au 20 août 2022 au Frac Nouvelle-Aquitaine MÉCA, Bordeaux. Crédit photos : Jean-Christophe Garcia

La remarquable exposition conçue avec Claire Jacquet, directrice du Frac Nouvelle-Aquitaine MECA est placée sous le signe du double. « Body Body » titre choisi, renvoie au corpus de travail et à la question du corps, prégnante également dans sa démarche. Parmi les « 1081 peintures » conçues entre août 1980 et fin 2020 la sélection de 103 peintures, 4 vidéos et 5 sculptures, déroule le film de sa vie, de ses expérimentations multiples, de ses rencontres. Au total 40 ans de création sous le signe de l’hybride, de la projection et des contradictions : good and bad paintings, le bon goût du mauvais, la norme et son contraire. Une salle spéciale est dédiée aux peintures phosphorescentes. Entre les figures de femmes célèbres victimes de meurtres ou d’évènements tragiques (Sylvie Vartan, Sharon Tate ou la cantatrice Marjorie Lawrence écartée de la scène par une poliomyélite), héroïnes littéraires (Simone de Beauvoir nue) ou Barbie girls, il est question du féminin et ses faux semblants : « Parce que je le vaux bien » titre d’une de ses vidéos à base de publicités pour les shampoings.

Vue exposition rétrospective de Nina Childress, Body body, du 17 décembre 2021 au 20 août 2022 au Frac Nouvelle-Aquitaine MÉCA, Bordeaux. Crédit photos : Jean-Christophe Garcia

Les peintures pour chiens et pigeons, la série des Hair Pieces, des sièges vides, des Tupperwares, des bonbons, des savons « en forme de.. », des flous (Blurriness), du fluo…, cet inventaire entre rebonds visuels et courts circuits formels, s’il réveille nos stimuli visuels n’a rien d’un long voyage tranquille. Les mécanismes du narcissisme, du rapport à soi et à l’autre, de l’exclusion et de l’obsolescence programmée, du vedettaria, du male gaze, de la mort et du masque (fascinant Enterrement inspiré de Courbet)… sont pointés mais toujours à double détente. Cette version bordelaise XXL de la mini-rétrospective proposée par son galeriste Bernard Jordan à l’occasion de la foire Bienvenue en 2018 qui lui avait fallu le prix du meilleur stand suivi de la  monographie par Eric Troncy à la Fondation Ricard, est à la fois une revanche et une ode à la liberté. Car nous ne y trompons pas, Nina Childress n’a rien d’une revancharde (le chapitre sur la Légion d’Honneur est un petit bijou), elle est animée d’une audace folle et ses écrits devraient être au programme de tout étudiant artiste en herbe. Une réflexion franche et saine sur le monde de l’art par celle qui enseigne désormais aux Beaux arts de Paris, comme quoi on peut être la fois dans le système et rester résolument en dehors !

« Nina Childress 1081 peintures » 750 pages en 2 volumes, 49 €
Co-édition : Beaux-Arts de Paris, Frac Nouvelle-Aquitaine MÉCA et Galerie Bernard Jordan.

Infos pratiques :

BODY BODY exposition de Nina Childress

jusqu’au 20 août 2022

Programmation associée :

https://fracnouvelleaquitaine-meca.fr/

MÉCA, 5 Parvis Corto Maltese, Bordeaux

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