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Michel Dewilde, commissaire Triennale de Bruges 2021 : pour une vision prospective et élargie de la ville de Bruges, hors des sentiers battus et au-delà du décor… TraumA

Amanda Browder – Happy Coincidences, Triennale Brugge 2021 © Stad Brugge – Matthias Desmet

La Triennale de Bruges 2021 invite à poursuivre l’exploration de la capitale historique de la Flandre occidentale sous l’angle de la création contemporaine. Après La Ville Liquide en 2018, cette nouvelle exploration intitulée TraumA lève le voile sur les facettes plus ambivalentes et dissonantes du décor immaculé de la Venise du Nord. Michel Dewilde, historien de l’art et conservateur adjoint Musea Bruges, que j’avais rencontré en 2018, est de nouveau l’un des commissaires à l’origine de cette 3ème édition autour de 13 artistes et architectes internationaux répartis dans un parcours extérieur qui irrigue jusqu’à des sentiers moins explorés de la ville, alors que l’exposition collective baptisée La Ville Poreuse se tient à l’intérieur du prestigieux Poortersloge. Il revient sur le défi que représentait cet évènement dans la période de pandémie que nous connaissons et le rôle avant-gardiste joué par Bruges dans l’aventure de la modernité, reflété par les questionnements multiples soulevés par les artistes convoqués.

Comment a t-il été possible de maintenir cette Triennale malgré la pandémie ?

Maintenir l’ensemble des propositions pendant la période de confinement en tenant compte des mesures sanitaires en vigueur (distanciations sociales, port du masque, quarantaine…) était une véritable gageure d’autant que les sculptures et installations extérieures conçues par les artistes et architectes étaient toutes nouvelles. Nous avons longtemps hésité et douté quant à la tenue de l’ensemble. Nous avions cependant l’avantage que la plus grande partie de l’exposition se trouvait dans l’espace public avec une distanciation immédiate.

Au niveau des expositions en intérieur, les données étaient différentes. L’exposition collective La Ville Poreuse/ A Porous City au Poortersloge a été imaginée dès 2020 au milieu du confinement, ce qui s’est avéré compliqué. Une 3ème proposition indoor devait avoir lieu dans un autre grand espace, et s’est vue finalement annulée.

Pour résumer même si la situation a été difficile, la Belgique a eu un confinement plus léger dans sa forme qu’en France, ce qui nous a ouvert une certaine fenêtre de tir.

Nnenna Okore, And the World Keeps Turning. Triennale de Bruges – Matthias Desmet

Le choix du titre TraumA a t-il uniquement été dicté par le contexte de crise sanitaire que nous traversons ?

Cette question est intéressante car le concept de TraumA a été pensé à la fin de 2018 avec une première sélection établie dès septembre 2019. Nous étions prêts bien avant le confinement et ce titre n’a en réalité pas de lien direct avec la pandémie. Il s’agit plus d’une question de coïncidence et de malchance si l’on songe à la pandémie. Si l’on remonte à l’étymologie du mot, « traum » en allemand signifie rêve et trauma a une signification universelle. L’exposition se situe entre le rêve qui est positif et l’aspect plus traumatisant du cauchemar. Si l’artiste, l’américaine Laura Splan (Museum Onze-Lieven-Vrouw ter Potterie) traite des virus c’est un choix délibéré de notre part et déconnecté du covid. L’ensemble des propositions ne se veut donc pas un écho de la crise sanitaire mais ouvre sur des débats très actuels.

Nadia Kaabi-Linke Inner Circle Triennale Brugge 2021 Linke Burg – Matthias Desmet

Quelle(s) vision(s) de la ville souhaitez-vous faire découvrir au public ?

Nous voulons montrer plusieurs facettes de la ville même si la plupart des 8 millions de visiteurs annuels de Bruges, viennent  autour d’une vision romantique liée à la période du Moyen Age et entièrement préservée. Or cette perception est loin de la réalité et certains des habitants de Bruges sont confrontés à des problématiques sociales diverses. Si l’on prend l’œuvre de l’artiste tunisienne Nadia Kaabi-Linke « Inner Circle » elle traite de la question de l’hospitalité, un thème rendu très actuel par la problématique des réfugiés. La ville de Bruges n’est-elle pas comme toutes les villes du monde confrontée à ces questions d’exclusion et de pauvreté sous l’envers de son décor ?

Les artistes s’emparent ainsi de plusieurs aspects, et notamment politiques comme avec Joanna Malinowska artiste polonaise qui traite du féminisme et de la situation des communautés LGBQ+ dans son pays d’origine, la Pologne, transposés à Bruges au sein du Béguinage. Une démarche qui concerne l’ensemble de l’Europe et au-delà.

Joanna Malinowska & C.T. Jasper, Who is afraid of Natasha Begijnhof Triennale Brugge 2021 © Begijnof – Mathias Smet

Comment vous êtes-vous répartis les projets entre commissaires ?

Notre méthode est assez classique dans sa forme et chacun d’entre nous avons établi un concept pour arriver à une short list et la confronter aux autres sélections ensuite. Nous avons rassemblé tous les textes et sélections début janvier 2019. Il est à noter que la sélection originale n’est pas tout à fait similaire au résultat actuel, de par l’influence du Covid certains artistes n’ayant pu mener à terme leur projet. Même si la réalité nous a rattrapés, les décisions sont restées toujours fluides entre nous.

Sarah & Charles Vanity of Vanities 2018 photo Kristof Vankren A Porous city Triennale Brugge 2021

Pouvez-vous nous présenter l’exposition La Ville Poreuse et ses enjeux ?

L’exposition La Ville Poreuse est la prolongation indoor de ce qui se joue dans l’espace public, si on la compare avec les éditions précédentes. Nous avons décidé dans une volonté de manifeste de choisir uniquement des artistes belges ou internationaux qui résident en Belgique ou font partie de collections belges (galeries, musées…), la plupart des artistes étrangers ne pouvant plus entrer sur notre territoire.

Cela répondait de plus à deux principes : donner aux artistes locaux de toutes générations, confirmés ou non, la chance de participer à l’exposition et de bénéficier  d’une visibilité à une période où les expositions étaient suspendues. Offrir comme une sorte de vitrine et de plate-forme de la création belge alors confinée.

En ce qui concerne le thème, nous sommes réellement en prise avec les questionnements liés au Covid et autres menaces qui nous guettent à savoir le danger nucléaire, les crises écologiques, conflits mondiaux…C’est donc une exposition plus sombre que celle proposée en extérieur et l’on peut parler d’une Triennale à deux vitesses, avec d’une part l’exposition dans l’espace public conçue avant le Covid et d’autre part, l’exposition indoor (la seule qui reste) : véritable plate-forme d’échange et de confrontation entre plusieurs artistes reliés à la Belgique, dans une approche post covidienne je dirais.

Joelle Dubois Temperance La Ville Poreuse Triennale Brugge 2021 courtesy l’artiste

Quel est votre coup de coeur personnel et pourquoi ?

Il m’est difficile de choisir même si je cite souvent l’artiste tunisienne Nadia Kaabi-Linke car elle ose poser la question de l’hospitalité en face de l’épicentre des pouvoirs de la ville, place Burg avec cette structure sphérique de bancs publics d’aspect brillant mais rendus impraticables. Alors que la Venise du Nord continue d’attirer un flot constant de visiteurs, la ville comme dans de nombreuses métropoles condamne la plupart de ses bancs pour éviter que ne s’y installe les sans-abris, voulant préserver une certaine image.

L’invitation à sortir des sentiers battus et prendre la bicyclette pour explorer d’autres parties de la ville est-elle suivie par les visiteurs ?

Comme vous le savez peut-être la plupart des visiteurs se concentre sur ce que nous appelons le triangle de Bruges au centre de la ville alors que tout le reste n’est pas du tout exploré. Nous avons décidé donc de donner aux artistes invités la possibilité de choisir d’autres parties de la ville moins connues qui regroupent souvent plus d’habitants, le centre-ville étant surtout dévolu aux monuments, musées ou boutiques. Nous souhaitions essaimer une grande partie de la Triennale dans des lieux où les touristes sont absents la plupart du temps et le résultat est tout à fait satisfaisant avec de nombreux visiteurs en bicyclettes. Cela fonctionne très bien au vu des retours que nous avons et nous conforte dans notre volonté d’un horizon élargi.

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A noter en complément pour les amateurs d’art contemporain, l’exposition de l’artiste iranienne basée à Bruxelles, Sanam Khatibi représentée par Rodolphe Janssen qui propose une relecture savoureuse et iconoclaste des Primitifs flamands du musée Groeninge.

Les actualités des musées de Bruges dont le Palais Gruuthuse magnifiquement restauré sont sur MuseaBrugge (réservations préalables conseillées).

Infos pratiques :

TraumA, art contemporain et architecture dans la ville historique de Bruges

Jusqu’au 24 octobre

En raison du COVID-19, il est nécessaire de réserver à l’avance la visite de l’exposition La ville poreuse et la visite du musée O.L.V. ter Potterie. Vous pouvez le faire via le site web de Musea Brugge.

Acheter des billets | Musea Brugge

www.triennalebrugge.be

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Hôtel Augustyn *** entièrement rénové, se situe au bord d’un élégant canal, loin de l’agitation et à proximité des principaux monuments.

A partir de Bruges il est idéal d’aller explorer les autres Triennales de la Flandre occidentale : La Triennale de Beaufort ou la Triennale de Courtrai.

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