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Olivier Meessen co-fondateur et directeur de Meessen De Clercq : « Nous allons continuer à déployer notre potentiel international mais avec une compréhension globale et écologique du contexte »

Olivier Meessen, director Meessen De Clercq, Brussels, photo Laurent de Broca

C’est l’une des galeries devenue incontournable dans le paysage européen et international et Olivier Meessen co-fondateur avec Jan De Clercq de la galerie située dans une élégante maison Art Nouveau de la rue de l’Abbaye, y habite le dernier étage avec sa femme et ses enfants. Une fluidité qui incarne ce nécessaire dialogue et partage qu’il juge plus que jamais essentiel avec le visiteur, amateur ou collectionneur. La disponibilité n’est pas un vain mot chez ce décideur qui, malgré ses déplacements, m’accorde une attention précise et chaleureuse. Son analyse de l’impact de la crise en lien avec les valeurs éthiques défendues par la galerie est tout à fait pertinente. Si la reprise des foires signera un retour à une certaine normalité, et il est dans les starting-blocks pour la prochaine FIAC notamment, certains positionnements et changements s’imposent. Il nous dit pourquoi et comment.

Comment définiriez-vous l’ADN de la galerie ?

L’ADN était assez clair dès le départ : promouvoir et défendre des artistes qui ont quelque chose à dire et qui le disent, ce qui peut paraitre assez basique mais nous sommes dans une société où la possibilité est donnée à beaucoup de pouvoir s’exprimer. Encore faut-il je trouve qu’il y ait quelque chose de pertinent qui le justifie. Notre volonté est de débusquer ces penseurs, ces créateurs et leur donner la possibilité de montrer leur travail.

L’ADN est aussi façonné avec l’idée de l’histoire et de la mémoire. Il est important de comprendre l’hier pour avancer vers le demain.

Notre volonté est d’ancrer nos racines dans d’autres formes d’expression que les arts plastiques comme la littérature, les auteurs et les livres. Cela a toujours été une joie et j’insiste sur ce mot, de collaborer dans une curiosité partagée et agréable pour comprendre l’autre et l’ailleurs.

Pour résumer : donner la parole à des « penseurs, passeurs, résistants » qui réfléchissent le monde dans une forme de rupture face à la peur, l’incompréhension, le fascisme quel qu’il soit, à toutes sortes de pensées négatives.

Cet ADN peut paraitre très audacieux et vaste même s’il s’enracine dans un vrai projet. L’idée n’était pas de montrer que des objets avec des points rouges quand ils sont vendus !

Thu Van Tran Vues exposition toi et nous, Courtesy of the artist and Meessen De Clercq, Brussels

Quel bilan et réflexions avez-vous menés autour de cette période de crise ?

J’ai mené une réflexion profonde en me posant ces questions : que faisons-nous et pourquoi ? pour qui ?

J’ai cherché à revenir à notre ADN, nos bases, à la notion d’éthique même si elle était déjà présente. Penser à une éthique dans notre relation avec les fournisseurs, les clients, les collectionneurs, les institutions et dessiner une possible charte par rapport à une implication écologique. Pourquoi courir le monde, aller toujours plus loin ? C’est à double sens : pourquoi et pour quoi ?

Cette réflexion a déjà été bénéfique et on verra plus tard si elle est suivie d’effet. La pensée en mouvement est prépondérante selon moi. Il ne faut pas rester statique et savoir se remettre en question.

Cette crise a été multiple.

Elle a d’abord été humaine pour beaucoup de gens qui ont souffert.

A un niveau économique nous avons réussi à passer à travers comme beaucoup de galeries même si certaines ont eu plus de mal.

Nous avons comme tout le monde pu réduire les frais avec moins de foires, moins de voyages, etc.. Nous avons aussi réduit nos espaces de stockage d’œuvres et cherché à responsabiliser les artistes par rapport à la production. Avant nous étions dans une société où il fallait produire pour montrer.

Nous n’avons jamais été une galerie dans l’ostentatoire, dans l’idée de l’effet mais plus dans un parcours réflexif, ce qui fait que nous sommes proches de beaucoup de nos collectionneurs et le confinement nous a permis de développer du « one to one » et d’être plus précis. Etre juste attentif à l’autre avec une vraie qualité d’écoute. On s’est rendu compte que ce rapport qualitatif a fonctionné dans un esprit de partage et non de la pensée unique ou autoritaire. Il me semble que cette période a été bénéfique pour des amateurs aussi. Plutôt que de consommer des expositions, certains ont davantage écouté leur propre jugement. Le bilan de cette forme de repli a donc un côté positif et économiquement viable. Néanmoins, nous avons participé à un ou deux événements en dehors de la galerie et nous le refaisons à Ostende au début du mois de septembre. Invité par la galerie Waldburger Wouters avec d’autres collègues, nous exposerons des oeuvres de Maarten Vanden Eynde au Thermae Palace en écho à une exposition solo de l’artiste au Mu.ZEE, musée d’art moderne et contemporain d’Ostende.

Thu Van Tran Vues exposition toi et nous, Courtesy of the artist and Meessen De Clercq, Brussels

Quel est votre positionnement face à la digitalisation à marche forcée pendant la crise ?

Nous n’avons pas, pour l’instant, une galerie portée par une diffusion digitale très importante même si nous somme actifs sur les réseaux sociaux. Cela s’est révélé d’ailleurs efficace en termes de ventes principalement en Europe, et dans une moindre mesure au Moyen Orient et aux Etats Unis. Nous avons par exemple vendu en Norvège à des collectionneurs que je ne suis pas sûr de rencontrer un jour n’ayant pas fait de foires dans ce pays et eux-mêmes ne se déplaçant pas forcément à Bruxelles. Même si c’est efficace, ce système va à l’encontre de ce que je vous décrivais auparavant, ce plaisir de la rencontre et du partage. Je reste attaché à la rencontre avec l’œuvre qui se voit alors différée. Nous poursuivons également nos efforts sur la qualité de l’accueil en galerie car quand quelqu’un visite une galerie, il vient chez vous. Littéralement. Il sonne, il ouvre la porte c’est donc la moindre des choses de le recevoir, de lui dire bonjour, de l’accompagner s’il le souhaite. Mais, ceci étant dit, force est de constater qu’à l’heure actuelle, le renforcement des pratiques numériques reste globalement positif. Et il ira en augmentant.

Vue de l’exposition Nicolàs Lamas « Times in collapse » au CCC OD, Tours, France, 2021 © Photo: Josépha Blanchet – CCC OD, Tours

Le projet de Nicolàs Lamas pour le CCC OD de Tours

Je me réjouis de le découvrir dans quelques semaines et je pense que c’est une formidable opportunité donnée par Isabelle Reiher et ses équipes à Nicolàs qui était prêt pour se confronter à un vaste espace comme l’imposante nef du CCC OD. C’est un artiste qui a vraiment quelque chose à dire comme je l’évoquais au début de notre conversation avec ce regard particulier. Un artiste sud-américain, péruvien, avec des racines historiques importantes et installé en Europe dont la pratique est multiple et féconde. Quand il peut se déployer dans l’espace et qu’on lui fait confiance, comme cela a été le cas, cela donne un résultat très pertinent. Il est parmi les artistes de cette génération qui fait un lien très beau entre technologie et consommation de masse, entre archéologie et hasard, entre le sport et la physique quantique ; des rencontres improbables portées par une réflexion sur les notions d’anthropocène, de la place de l’homme et l’impact que nous avons sur le vivant. Il est très curieux et déploie une vraie pensée rhizomique. Il fait partie, selon moi, des voix qu’il faut écouter. Il a de plus, cette faculté à s’inscrire à l’international puisqu’il intéresse autant des institutions telles que le Witte de With à Rotterdam que le musée des arts appliqués à Vienne, le SMAK à Gand ou la Fondation Miró à Barcelone. Il serait intéressant de voir comment il pourrait être diffusé de façon permanente en France et j’ai pris des contacts avec quelques collègues étant convaincu que son travail pourrait trouver une belle résonance en France.

Vue de l’exposition Nicolàs Lamas « Times in collapse » au CCC OD, Tours, France, 2021 © Photo: Josépha Blanchet – CCC OD, Tours

Votre stratégie et positionnement par rapport aux foires ont-ils changé ?

La foire reste un environnement important et indispensable à différents niveaux. D’une part pour les artistes pour assurer leur diffusion et visibilité hors des frontières nationales, et d’autre part pour les galeries même si nous avons la chance d’avoir une vraie base de travail sur place. Nous allons sans doute observer un repositionnement, pendant deux ans, principalement européen. Mon attachement à l’Europe n’a jamais été aussi fort et je souhaite raffermir ce lien pendant un moment tout en continuant à travailler avec les Etats Unis mais sans doute autour de projets spécifiques comme je l’avais initié il y a 2 ans à New York. Le point de départ était la nouvelle Bartleby the Scrivener d’Herman Melville et j’avais élaboré une expo où le côté réflexif de la galerie a pu être mis en avant plus facilement que dans une foire. Même si dans une foire nous réfléchissons à l’accrochage des œuvres en essayant d’instaurer un dialogue du genre « marabout – bout de ficelle – selle de cheval,… », faire passer un message subliminal est plus ardu dans certaines foires sur une petite surface que dans un espace comme une galerie.

Meessen De Clercq galerie, Brussels

Votre participation à la prochaine FIAC, nouvelle version

C’est notre souhait car j’aime beaucoup cette foire. Les équipes, la qualité de la lumière, l’architecture, l’ancrage historique auquel je suis très attaché sont des points importants pour moi. Pour le Grand Palais éphémère, nous avons fait une proposition audacieuse pour montrer notre volonté de soutenir la foire à notre échelle avec notamment une grande installation de Nicolàs Lamas, une pièce de qualité muséale de Claudio Parmiggiani et des artistes plus jeunes : le Belge Benoît Plateus, Xie Lei, peintre chinois qui vit à Paris, et Thu Van Tran qui est très active en France et à l’étranger. Le fait que cette édition soit déplacée va resserrer le nombre potentiel de galeries participantes. Pour moi, Paris reste fondamental. J’y ai de nombreux amis et j’éprouve toujours beaucoup de plaisir de rencontrer l’esprit intellectuel français. Ayant vécu plusieurs années en France, il est d’autant plus important pour moi de continuer à tisser des liens avec des institutions, des collectionneurs, des curateurs.

Nous allons aussi de nouveau participer à Art-O-Rama à Marseille. La foire a une autre finalité mais j’aime beaucoup l’atmosphère de cet événement. Elle est bien organisée et je suis toujours heureux de revoir des collectionneurs qui sont devenus des amis au fil du temps. On y rencontre aussi des collectionneurs étrangers qui profitent des dernières chaleurs de l’été marseillais.

A quel horizon estimez-vous une reprise ?

Chacun doit se fixer une possible reprise en tenant compte du contexte national et international. Tout le monde table sur 2022, sachant que nous allons essayer de clôturer 2021 comme 2020. Refaire des foires sera déjà mettre le pied à l’étrier d’une certaine normalité avec Marseille fin août, le Brussels Gallery week-end en septembre, le projet à Ostende, la FIAC, Art Antwerp à Anvers au mois de décembre. La deuxième partie de l’année va nous donner la possibilité de recouvrer nos moyens habituels même si 2022 nous permettra de nouveau une certaine audace, mise en veille pendant cette période. Il y a une envie de revenir à la normale mais avec des changements qui vont s’imposer. On doit continuer à faire ce que l’on faisait mais autrement et j’affectionne particulièrement cette phrase de John Cage qui disait que « le vrai défi est de n’être jamais familier avec ce que l’on fait ». Cela me parait important et mon souhait est de changer certaines façons de fonctionner, certains détails qui vont sans doute avoir un impact à court et moyen terme. Réussir à instaurer cela est une priorité pour moi.

Infos pratiques :

Thu Van Tran,

toi et nous

jusqu’au 10 juillet

3 Fois La Mesure,

un commissariat de Benoit Maire

jusqu’au 17 juillet

Home | MSSNDCLRCQ – Meessen De Clercq – Contemporary Art Gallery in Brussels

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