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Danser sur un volcan, Frac Franche-Comté, interview croisé Sylvie Zavatta et Florent Maubert #WEFRAC

Performance avec Thomas Meyer et Lucie Lombard d’après Slow exchange intoxication Micha Laury 1968-1983

« Si les hommes ne dansaient pas sur des volcans, je me demande où et quand ils danseraient ; l’important est de bien savoir qu’on a le volcan sous les pieds afin de goûter son vrai plaisir d’homme libre » Jacques Perret

Sylvie Zavatta, directrice du Frac Franche-Comté et Florent Maubert, galeriste et ancien danseur unissent leurs talents pour dérouler le fil d’une traversée unique entre danse et art contemporain autour du corps et ses contraintes liées à la gravité, la pesanteur, les interactions avec l’autre, frictions, abandons…, dans une mise en danger qui autorise tous les renversements possibles. Une approche à la fois théorique de l’histoire de la danse et sensible par sa traduction dans l’espace du musée et mise en mouvement à travers de nombreuses réactivations et performances. Cette prise de risque, synonyme de quête d’absolu et d’émancipation trouve un écho singulier dans la période que  nous traversons. Les deux commissaires nous en décryptent les enjeux, dans le prolongement de l’exposition Dancing Machines qui explorait les contraintes internes du corps. En regard, l’installation en suspens de Cécile Bart « les trapézistes » agit comme un révélateur, une toile de fond dès l’entrée du Frac.

Florent Maubert, Quelle est la genèse du projet ?

A la suite de la visite de Sylvie à la galerie je lui ai exposé mes projets autour de collaborations entre artistes et plasticiens et leur possible matérialisation sous forme de parcours performés dans les galeries, d’expositions en mouvement.., ce qui a trouvé chez elle un écho particulier selon un concours de circonstances favorable. Je me suis toujours intéressé à la façon dont la danse intégrait le musée dans le cadre de mes recherches personnelles et ayant été danseur. C’est pourquoi et je le dis rarement, j’ai parfois plus d’émotion devant un spectacle de danse que devant une exposition. Cette mémoire du corps agit toujours en filigrane pour moi.

Performance avec Baptiste Faivre / Compagnie les Urbaindigènes d’après Micha Laury Mental balance et Cécile Bart Les Trapézistes, hall du Frac Franche-Comté

Sylvie Zavatta, Comment ce que vous avez accueilli cette proposition ?

Les projets de Florent faisaient écho au projet artistique et culturel que je développe au Frac autour de la problématique du Temps depuis 2005. Celui-ci s’est rapidement ouvert à la transdisciplinarité. Dans un premier temps, en intégrant la dimension sonore. Puis progressivement, d’autres disciplines liées à la notion de durée ou de mouvement dans l’espace. Lors de notre rencontre, la collection comportait déjà des œuvres en lien avec la danse. Je pense à celles de Manon de Boer ou d’Angelica Mesiti par exemple. Par ailleurs, certaines expositions, comme « La Répétition » (2015) ou « Syncopes et Extase. Vertige du temps » (2019), interrogeaient déjà le corps. A cela, il faut ajouter que depuis l’inauguration du Frac, j’ai régulièrement invité des chorégraphes dans le cadre de la programmation cultuelle et/ ou de résidences. Parmi eux : Joan Leighton, François Chaigneau, Nathalie Pernette, Yuval Pick, DD Dorvillier, la Compagnie Labkine… Bien que je ne sois pas spécialiste de danse, contrairement à Florent, j’avais donc un fort intérêt pour cette discipline qui, comme chacun le sait, s’inscrit dans la durée tout en étant par nature éphémère. Sa proposition de projets communs faisait donc sens et m’a immédiatement enthousiasmée. Et nos affinités artistiques y sont aussi pour quelque chose. Elles sont révélatrices d’une sensibilité et d’intérêts partagés : Florent vient par exemple d’intégrer, parmi les artistes que représente sa galerie, Sylvie Fanchon et Nathalie Talec, deux artistes de la collection auxquelles j’avais consacré une exposition monographique respectivement en 2018 et 2016. Avec cette exposition, comme avec Dancing Machines nous avons beaucoup partagé et nous sommes enrichis mutuellement pour, je l’espère, offrir au public une proposition exigeante, singulière et généreuse.

FM Nos choix ont été totalement partagés au fil de nos dialogues et discussions.  J’ai découvert des artistes que je ne connaissais pas comme Micha Laury qui est une référence. Ses performances historiques des années 1970 concomitantes avec de grands chorégraphes plus connus comme Trisha Brown et plus tard par Anna Teresa De Keersmaeker méritent un livre en soi.

Vue de l’exposition Danser sur un volcan, commissariat Florent Maubert & Sylvie Zavatta Frac Franche-Comté 2021 présentation professionnels photo Marie de la Fresnaye

Les œuvres réactivées pour l’exposition

SZ Quand j’ai choisi les œuvres de Micha Laury dans le cadre de nos acquisitions, j’ai opté pour les dessins de performances, ce qui avait du sens par rapport à la place significative de ce dernier medium dans la collection. Comme les performances imaginées par Micha correspondaient à la problématique de Danser sur un volcan, nous avons souhaité les activer véritablement, ce qui n’avait jamais été fait précédemment. En outre, si pour les raisons sanitaires que nous connaissons, cette exposition met moins à contribution le corps du visiteur que « Dancing Machines » (sauf pour la pièce de Forsythe ou d’Anne Veronica Janssens), nous voulions néanmoins y intégrer aussi pleinement du corps « vivant ».

FM. Micha Laury est dans la mise en danger, la limite du corps. On ne peut pas tricher et nous l’avons vérifié avec un cascadeur ! Nous avons eu recours à un cascadeur pour l’échelle dans « Study for Suffering experience with minimal art », deux danseurs pour les chaises et les tables Positions with furnitures performance et deux comédiens pour Slow exchange intoxication, anciens étudiants du Conservatoire. Au-delà de ces réactivations, il était important pour moi de mettre en mouvement l’exposition à partir des œuvres et William Forsythe le permettait, sans pour autant tomber dans une vision artificielle ou obligée pour le public.

Cette crise a-t-elle empêché certains prêts ou venues d’œuvres ?

SZ et FM Nous avons tenu bon et avons eu globalement les œuvres que nous souhaitions avec des prêts internationaux importants comme le MoMa New York pour Matthew Barney ou Simone Forti. Même si nous avons eu un refus du CNAP pour Gordon Matta-Clark étant donné que l’exposition a été décalée, le Centre Pompidou a pu finalement accéder à notre demande.

L’impact en terme de la programmation du Frac

SZ Les expositions autour de la Danse devaient s’inscrire tout au long de l’année 2020. Dancing Machines a été prolongée, celle de Cécile Bart a été décalée. Cette exposition qui était initialement prévue en septembre 2020 a été reportée à mars 2021. Elle est cependant encore interdite de public. Elle sera prolongée au-delà de septembre 2021 si besoin avec l’accord je l’espère de nos prêteurs afin que le public puisse pleinement en bénéficier.

Dhewadi Hadjab devant l’oeuvre Dream dancing, 2020 Exposition Danser sur un volcan, commissariat Florent Maubert & Sylvie Zavatta, Frac Franche-Comté, 2021 photo Marie de la Fresnaye

Comment avez-vous repéré le jeune artiste Dhewadi Hadjab dont la peinture rejoint singulièrement les problématiques de l’exposition ?

SZ Je l’ai repéré lors d’un jury de diplôme à l’Ecole des Beaux-Arts de Bourges auquel j’avais été conviée, alors que nous étions en train de réfléchir à l’exposition. Encore étudiant à l’Ensba, après l’école d’art d’Alger et celle de Bourges, il se trouve aujourd’hui exposé aux côtés d’artistes historiques comme Robert Morris ou Klaus Rinke. L’exposition mêle ainsi artistes confirmés et émergents. Ses peintures, représentant des corps alanguis directement inspirés de la danse s’inscrivent parfaitement dans une salle consacrée aux notions d’équilibre ou d’effondrement. Présentées en face de la pièce de Robert Morris qui peut faire songer ici un ange déchu, elles apportent quelque chose de plus concret, de la couleur, de la vie en somme.

A quelle fréquence sont prévues les performances et activations ?

SZ Nous n’avons pas pour l’instant de visibilité pour nos événements reportés mais l’on devrait, le 12 juin lors d’un vernissage public, proposer plusieurs performances et le faire également lors du finissage.

La bibliothèque idéale de l’exposition, vos choix

FM C’est une formidable idée de Sylvie que l’on retrouve à chaque exposition. Je conseille notamment de lire Steve Paxton, un artiste précurseur qui n’a pas eu l’exposition qu’il méritait à mon sens malgré l’exposition à Culturgest à Lisbonne en 2019.

SZ J’ai chosi 3 livres du côté de la littérature et de la philosophie : Jean Genet « le funambule », Nietzsche « Ainsi parlait Zarathoustra » et « On achève bien les chevaux » d’Horace McCoy.

Quel message souhaitez-vous faire passer à travers cette exposition ?

FM et SZ Aujourd’hui, les analyses sociologiques comme les médias soulignent l’importance en nombre et la diversité des mises en danger du corps (épuisement et pénibilité entrainant des accidents du travail, violences dans l’espace public comme privé, pandémie…) comme de leurs effets collatéraux sur les esprits. Pour endiguer ces risques, les pouvoirs publics multiplient les lois et les réglementations dans un mouvement inverse à la liberté désorganisée mais volontaire de la danse qui elle, choisit une mise en danger du corps consentie et sans limite.

La danse est une fête où rien n’est empêché, où tout est permis jusqu’à la violation solennelle des interdits. Elle autorise à s’exprimer dans l’indéterminé et le non-dit. Elle nous incite à l’insouciance, à retrouver et cultiver le goût du risque.

Danser, c’est choisir la vie et la liberté.

Infos pratiques :

Dès l’ouverture…

Danser sur un volcan

Jusqu’au 19 septembre 2021

#WEFRAC ce week-end ! découvrir les vitrines du Frac avec des oeuvres offertes à la vue des passants.

Pour ce #WEFRAC inédit, découvrez l’oeuvre de Étienne Bossut, « Tam Tam Jungle », oeuvre à voir en extérieur tout le weekend vidéo à découvrir dimanche 18.04 à 15h @PLATFORM_FRAC

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