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Tout un film ! par le Drawing Lab

Mathieu Dufois, maquette 2019 courtesy the artist/ Galerie C. Neuchâtel, Paris

Tout un film ! tisse des liens inédits entre le 7ème art (cinéma) et le 9ème (Bande dessinée-dessin). Cette exposition proposée par le Drawing Lab basée sur une exploration des collections de la Cinémathèque devait avoir lieu pendant la 14ème édition de DRAWING NOW Art Fair, annulée et reportée à juin 2021 (sauf annonces officielles contraires). Christine Phall qui dirige le Drawing Lab se réjouit de pouvoir ouvrir cette exigeante et singulière traversée en cette période critique, au sein du Drawing Hôtel. J’avais rencontré Carine Tissot, sa fille et partenaire dans cette aventure au tout début du premier confinement alors qu’elle devait fermer temporairement le Drawing Hôtel (relire mon interview).

Vue de l’exposition Tout un film ! Courtesy Drawing Lab Paris

Joana P.R. Neves, directrice artistique de DRAWING NOW Art a sélectionné un ensemble d’oeuvres préparatoires (spécimens) provenant de la Cinémathèque en dialogue avec des œuvres issues des ateliers des artistes ainsi que des fonds de leurs galeries. Des croisements fertiles qui s’incarnent parfaitement à travers les story-boards du film iconique Le Parrain 2 (Francis Ford Coppola,1973), issus des fonds de la Cinémathèque française et exécutés par la main experte d’Alex Tavoularis, comme le souligne la commissaire ou avec l’artiste William Kentridge, virtuose du trait qui laisse volontairement apparentes toutes les étapes de son processus de pensée, pour donner à voir comme un script en mouvement.

Camille Lavaud, La Vie Souterraine, Affiche, 2017

Camille Lavaud, plasticienne, réalise quant à elle des posters et des storyboards fictionnels qui ont un statut proche de la bande dessinée, tout en faisant un clin d’oeil aux méthodes et à la culture filmique. La pratique de Camille Lavaud emploie le dessin comme moyen d’arriver au cinéma, en passant par la fausse affiche, la bande dessinée en guise de storyboard, des livres fictionnels dont les images publicitaires sont, elles aussi, dessinées, tout en montant, en amont, avec une production aussi délirante que prolifique, vers le générique du film où les logos et les crédits qui défilent sont inventés et dessinés, puis vers le court-métrage, mettant en scène des mystères animés par des dessins et par des personnages faisant allusion au ciné-noir, le détournant, tout en le mystifiant et le démystifiant à la fois. La dernière remontée vers ce cinéma-origine est le long-métrage qui
s’intitule La Vie Souterraine, 2017, dont les éléments de préparation et les étapes intermédiaires, sont montrées dans Tout Un Film ! Par ailleurs, les vidéos Sang d’Encre, 2017 et La Vie Souterraine, 2017 qui existent à présent sous forme de teaser, sont diffusées, pour accorder une étape de plus à cette remontée vers une narration qui se fait de la marge vers le centre, en point de fuite.

Paul Grimault la Bergère et le ramoneur

Dessin et cinématographie se rejoignent à nouveau à travers les trois dessins sur support celluloïd du film d’animation La Bergère et le ramoneur de Paul Grimault (1948), inclus dans l’exposition. Rares et précieux, ces celluloïds sont aussi extrêmement fragiles. Ils
expriment une facette moins explorée de l’image-mouvement : son rapport à la bande dessinée de par l’animation, mais aussi au story-board ou même au dessin libre entrepris par maints réalisateurs. Ils attirent aussi l’attention sur le matériau même du film, une ligne souvent reprise par les artistes plasticiens, comme l’artiste Sud-Africain William Kentridge.

Vue de l’exposition Tout un film ! Courtesy Drawing Lab Paris avec l’oeuvre projetée de William Kentridge

Sont présentées également des maquettes d’affiches du réalisateur Sébastien Laudenbach
pour son film La jeune fille sans mains (2015) ainsi que des dessins de l’animation finale
présentés sur table lumineuse grâce à la galerie MIYU.

Mathieu Dufois, lauréat du Prix Art Collector 2028, que j’avais découvert à l’occasion du Prix Dauphine a, quant à lui, travaillé directement avec les ressources de dessins conservés et archivés dans la collection de La Cinémathèque, en étroite collaboration avec
Françoise Lémerige Il est parti d’un dessin du décorateur Alexandre Trauner pour un film qui n’a jamais vu le jour, La Fleur de l’âge de Marcel Carné (1947), et qui aurait été la première apparition sur écran d’Anouk Aimée.

Maquette Alexandre Trauner

Cette fascination pour le storytelling cinématographique est aussi à l’œuvre dans les dessins d’Antoine Marquis.
Après avoir visité les collections graphiques (dessins, affiches, matériel publicitaire) de La Cinémathèque, il s’est inspiré de plusieurs sources possibles et a décidé de produire de nouvelles œuvres pour Tout un Film ! Il a notamment réalisé des dessins issus d’images médicales d’archives des années 30 à caractère de films expressionnistes en clair-obscur, avec une atmosphère fantastique et étrange, intitulé Luminothérapie.

Les dessins d’Akira Kurosawa pour Les Sept Samouraïs (1954), conservés à la Cinémathèque, sont pour leur part à rapprocher de la bande dessinée et du manga.

Finalement, la démarche conceptuelle du rendu perspectif que le cinéma a en commun avec le dessin d’observation est performé par Elsa Werth, une artiste qui s’intéresse aux dessous de l’image et à ses correspondances dans l’espace abstrait mental.
La contribution d’Elsa Werth apporte une dimension conceptuelle aux outils communs au cinéma et au dessin, dans leur rendu de l’expérience de l’espace. Point de Fuite, 2017, l’œuvre présentée, a une présence parasitaire, rappelant à la fois l’espace tridimensionnel dans lequel vit le spectateur et l’artifice de la profondeur du cinéma, évoquant les lois de perspective du dessin.

Un personnage mystérieux et un ready-made d’Alejandro Jodorowsky des années 1960 issus de la collection de La Cinémathèque rappellent l’importance du dessin dans la constuction non seulement du personnage mais aussi de l’univers de l’œuvre.


Cette rétrospective cinéma se clôt avec la projection d’un film de l’artiste sud-africain William Kentridge, Tide Table (2013, 8,02 min), 9e film de la série des Drawings for Projection. L’ensemble de ces Dessins pour projection ont pour toile de fond l’histoire de l’Afrique du Sud vue à travers deux personnages qui sont des alter-ego de l’artiste : Soho Eckstein, le riche homme d’affaires avec son cigare et son complet rayé, et Felix Teitlebaum, l’exilé, le rêveur toujours nu et souvent vu de dos. Dans ce 9e épisode de la série, on retrouve Soho Eckstein vieillissant sur la plage de Muizenberg, empli des souvenirs de son enfance.

Commissaire d’exposition : Joana P. R. Neves, directrice artistique de DRAWING NOW Art Fair, en collaboration avec Françoise Lémerige, chargée du traitement de la collection des dessins et des œuvres plastiques à La Cinémathèque française.
Artistes invités : Mathieu Dufois, Camille Lavaud, Antoine Marquis, Elsa Werth
Dessins de : Paul Grimault, Akira Kurosawa, Alejandro Jodorowsky, Alex Tavoularis, Sébastien Laudenbach
Projection : Présentation du film Tide Table (2013, 8,02 min), 9e film de la série des Drawings for Projection de William Kentridge, en collaboration avec le LaM.

Infos pratiques :

Horaires :

Tous les jours de 11h à 19h
Présence d’un médiateur du mardi au samedi de 11h à 19h
(hors jours fériés)

Entrée libre

Drawing Lab Paris
17, rue de Richelieu 75001 Paris

www.drawinglabparis.com

Drawing Now Art Fair : 14ème édition

du 10 au 13 juin 2021

www.drawingnowartfair.com


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