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Fabienne Grasser-Fulchéri, directrice de l’Espace de l’Art Concret : «Je souhaite avec Pascal Pique revenir aux sources transhistoriques de la géométrie dans l’art»

Fabienne Grasser-Fulchéri, directrice de l’eac. Vue de l’exposition Francisco Sobrino. Œuvre de Francisco Sobrino, Transformation instable juxtaposition superposition, 1966 (n°inv. 534). Collection Famille Sobrino © photo Bruno Gros © Adagp, Paris 2019


L’Espace de l’Art Concret à Mouans-Sartoux (Provence Alpes-Côtes-d’Azur) pensé comme un centre d’art contemporain à partir de la collection d’art abstrait de ses fondateurs Sybil Albers et Gottfried Honegger est un lieu unique en France au rayonnement européen et international. Créé en 1990 dans une volonté de partage et de sensibilisation au plus grand nombre, le lieu se répartit entre le château du XVème siècle, son parc naturel, un premier bâtiment dédié aux ateliers pédagogiques signé de l’architecte niçois Marc Barani et un bâtiment plus contemporain inauguré en 2004 par les architectes suisses Mike Guyer et Annette Gigon pour abriter la donation Albers-Honegger (dépôt du CNAP). Avec
plus de 16000 visiteurs par an et un ensemble de 700 œuvres classé Trésor national, cette donation est aussi le reflet de la formidable histoire d’un couple dont l’utopie de départ, culturelle et sociale, se réalise et s’enrichit au fil des dons et de la programmation proposée par Fabienne Grasser-Fulchéri qui dirige le lieu. A l’occasion du nouvel accrochage autour des donations récentes et de l’exposition Francisco Sobrino, co-fondateur du G.R.A.V et représentant de l’art cinétique, elle a répondu à nos questions : de sa rencontre avec l’art concret et Gottfried Honegger, à l’ADN de l’eac. et ce face à face qu’elle a initié entre la collection et d’autres artistes qui partagent les mêmes aspirations formelles et /ou conceptuelles : Carlos Cruz-Diez, Picasso, Gérard Traquandi. Elle nous dévoile également les contours de son prochain projet avec Pascal Pique.

Quel est l’ADN de l’eac ?
C’est la notion de transmission et, dès le départ, cette idée de rendre accessible l’art au plus grand nombre, avec cette volonté du couple Albers- Honegger de sortir les œuvres de chez eux pour les offrir au regard direct du public. Ils sont animés par un vrai projet pédagogique autour de cette démarche universelle de l’art concret qui se distingue par des formes simples et des couleurs pures, selon la conception initiale de Theo Van Doesburg (fondateur et premier théoricien de l’art concret).

Comment êtes-vous arrivée personnellement à l’art concret ?
Cannoise d’origine, quand le lieu s’est ouvert dans les années 1990 j’étais en DEUG d’histoire de l’art à Aix en Provence et j’étais heureuse de postuler dans ma région. J’ai travaillé deux étés de suite à l’accueil et découvert l’art concret qui m’était encore inconnu malgré mes études. J’ai rencontré Gottfried Honegger, assisté aux accrochages, aux vernissages, et l’un de mes forts souvenirs est la mise sous pli des cartons d’invitation de l’exposition consacrée à Herman de Vries où il fallait glisser une feuille d’eucalyptus dans chaque enveloppe ! J’ai alors hésité entre la Renaissance et le Quattrocento français, autre de mes passions mais découvrant l’art contemporain par le biais de personnalités telles que Bernar Venet et Leo Castelli j’ai réalisé la chance de pouvoir échanger et travailler avec eux. Je me suis orientée alors vers une licence d’art contemporain poursuivie par une maîtrise sur Bernar Venet.

Gottfried Honegger, Z1648, 2013 En cours de donation au Centre national des arts plastiques
pour l’Espace de l’Art Concret Donation Albers
Honegger © droits réservé

Comment se fait l’articulation entre le centre d’art et la donation ?
Comme pour beaucoup de centres d’art créés sur le territoire français dans les années 80/90, cela s’est fait de façon parfois empirique, reposant sur des initiatives individuelles émanant souvent d’artistes ou d’amateurs d’art éclairés. A Mouans-Sartoux, cette volonté a rencontré une dynamique politique, la commune venant d’acquérir le château qui avait appartenu à la famille des nobles locaux. Le maire a souhaité s’inscrire dans cette aventure d’art concret suisse, ce qui n’était pas forcément acquis pour un château provençal !

Henri Prosi, Structure n°510 , 1999
En cours de donation au Centre national des arts plastiques pour l’Espace de l’Art Concret
Donation Albers Honegger © Adagp, Paris 202

Avec « Nouvelles donnes », en quoi la personnalité très singulière de Gottfried Honegger se dégage-t-elle ?
Ce qui rend particulièrement intéressante cette collection c’est sa variété au-delà de la stricte appellation de l’art concret. Le véritable tournant se situe au moment où Gottfried Honegger et Sybil Albers font un pas supplémentaire et décident de donner leur collection à l’état français afin de pérenniser le projet de l’eac.
Cette collection reflète véritablement ce qu’il est : ses convictions artistiques, formelles et didactiques sur l’art concret mais aussi des incursions auprès d’autres artistes au fil de rencontres, d’échanges et d’amitié. De plus n’oublions pas qu’il forme un duo avec Sybil Albers, également collectionneuse. Ce sont deux projets, qui à un moment donné, fusionnent et vont agréger d’autres collectionneurs, d’autres artistes qui font faire des dons eux-mêmes… Au total ces 700 œuvres résultent ainsi de multiples choix et regards.


Vue de l’exposition Francisco Sobrino / œuvres
Sphères Pulsations, 1970 (n°inv. 440) / Dans le Vent , 1967
(n°inv. 569) Collection Famille Sobrino © photo eac. © Adagp, Paris 2019

Quel impact le confinement a-t-il eu sur votre organisation et programmation ?

Tout d’abord l’exposition Francisco Sobrino devait se terminer fin mai, en plein confinement ce qui rendait impossible le décrochage des œuvres et d’envisager aussi leur transport. La prolongation (jusqu’au 6 septembre) était donc notre seule solution après consultation de la famille et des prêteurs.
C’était aussi une frustration de ne pouvoir rendre visible plus longtemps cette exposition que nous avions porté depuis plusieurs années, inaugurée en décembre avec beaucoup de demandes de visites que nous n’avions pu encore honorer.
Pour ce qui concerne l’espace de la collection nous devions inaugurer le 23 avril notre 30ème anniversaire avec un dialogue croisé sur deux collections d’état : la collection Lambert et la collection Albers-Honegger, ce qui n’était évidemment plus envisageable. J’ai pensé dans un premier temps la reporter à fin juin pour finalement envisager son report dans un an, la mort dans l’âme je dois dire mais permettant ainsi de rassembler un maximum d’artistes qui habitent notamment à l’étranger.

Francisco Sobrino Labyrinthe de 11 cubes en bois peints blancs et noirs, 1985 / 2019
Prêt de la Famille Sobrino • Courtesy Galerie Mitterrand, Paris © photo eac. © Adagp, Paris 2019

En quoi est-il important pour vous que l’eac. soit inscrit dans le réseau Plein Sud ?
Nous faisons partie déjà d’autres réseaux comme Botox(s) à Nice, l’idée étant de mettre en commun nos synergies et d’autant plus en cette période de mise en suspens de nos activités où nous avions très peu de visibilité quant à notre date de réouverture. C’était aussi une anticipation sur l’avenir pour capitaliser un certain nombre d’échanges que nous avions eu par le passé sur nos métiers et pratiques. C’est aussi un moyen de mieux se faire mieux entendre et de mieux communiquer.
Au-delà du simple aspect professionnel, c’est également important pour moi d’un point de vue amical, cela permet de renforcer les liens avec des personnalités avec qui on travaille ou que l’on côtoie depuis longtemps.

Quelle est la typologie de votre visitorat et leur répartition géographique ?
Nous avons entre 18 et 20 000 visiteurs par an et 6500 enfants cette année. En termes de répartition nous avons entre 15 et 20% de Mouansois, le pourcentage des visiteurs se répartit ensuite comme suit :
50% environ issus du département, 12% au niveau national et 20 à 25% au niveau international avec une forte proportion de suisses, allemands, italiens et belges.


Votre prochaine exposition explorera les formes géométriques invisibles, pourquoi ce choix ?

Ce volet n’avait pas été encore traité chez nous. Nous restons souvent sur des analyses soit formelles, soit historiques avec l’idée d’inscrire l’art abstrait dans l’aventure des avant-gardes sans ouvrir à d’autres grilles de lecture. Je souhaitais avec Pascal Pique, commissaire invité, revenir véritablement aux sources de la géométrie ; les premières traces humaines de la préhistoire révélant déjà la présence de la géométrie, de la sérialité, et de leurs potentiels énergétiques avec des motifs récurrents comme la spirale, le cercle et le carré par exemple. Présences dont on retrouve d’ailleurs les traces sur tous les continents et dans plusieurs pays. Une constante transhistorique, donc, à travers laquelle les artistes cherchent par le biais de la géométrie à provoquer d’autres effets, comme créer une énergie, travailler sur les ondes comme avec l’Op art en jouant sur la perception. Ainsi le rythme, les couleurs ont un impact sur nous, à la fois physique et mental. Je connais Pascal Pique depuis plusieurs années et l’avais rencontré lors de mon commissariat avec Marta Gili pour le Printemps de septembre à Toulouse alors qu’il était conservateur du musée des Abattoirs.

Nous avons dû reporter l’inauguration de cette exposition qui était initialement prévue fin juin.

En écoute Podcast :

FOMO Podcast Fabienne Grasser-Fulchéri, Espace Art Concret

Infos pratiques :

Actuellement

Nouvelles donnes, la collection Albers-Honegger

Francisco Sobrino

Prochainement :

Géométries de l’invisible : 27 septembre 2020 • 03 janvier 2021

Espace de l’art concret, centre d’art contemporain

Donation Albers Honegger

Château de Mouans

Mouans-Sartoux (06)

https://www.espacedelartconcret.fr/

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