« On a souvent expliqué comment la vie nomade et mouvementée de Babi Badalov est, intrinsèquement liée à son travail. Né au sein d’une famille nombreuse dans un village d’Azerbaïdjan, alors pays satellite de l’URSS, d’une mère d’origine iranienne et d’un
père azéri, le jeune Babi Badalov a été immergé dans un bain linguistique et culturel hybride. Après des débuts sur la scène artistique saint-pétersbourgeoise, le jeune homme en rupture émigre aux États-Unis, en Angleterre, puis en France, vivant un quotidien
de clandestin avant d’obtenir en 2011 le statut de réfugié politique. Marqué par ces expériences de vie entre dénuement et espoir, parlant de nombreuses langues sans les maîtriser, il a fait de cette réalité parfois cruelle le matériau de son travail (en détournant notamment les documents officiels et administratifs liés à son statut), qui raconte aussi, sans complaisance, les conditions difficiles de l’exil politique. Mais au-delà de ces contingences biographiques, c’est plus largement une attention extrême portée aux choses apparemment insignifiantes qui caractérise l’art de Babi Badalov.
C’est elle qui justifie son invitation au sein du cycle « Matters of Concern | Matières à panser » qui, à l’occasion de l’urgence écologique, entend valoriser d’autres manières d’observer et de fabriquer, d’autres relations aux choses et aux matières dans une écologie décloisonnée des pratiques.
Il y a de fait chez Babi Badalov une sensibilité exacerbée pour les signes de l’ordinaire (tracts, prospectus, emballages, tickets, etc.), un profond respect pour toutes les productions du travail humain, toutes les manifestations de la vie dans l’espace urbain, y compris parmi les plus méprisées ou les plus invisibles. Recyclage, réévaluation et dé-hiérarchisation sont les maîtres mots de ce qui semble constituer une éthique autant qu’une économie de travail (..)
Inviter l’artiste à exposer son travail, ce n’est donc pas seulement partager ses formes
percutantes, c’est aussi accueillir une humilité joyeuse, une bienveillance naturelle et une
intelligence sensible qui percent la surface formelle des choses. C’est écouter et propager une voix discordante dans l’écosystème parfois standardisé de l’art. Que La Verrière soit, à l’occasion de ce cycle d’expositions, la chambre d’écho de pratiques dissidentes qui, comme celles de Babi, ne choisissent pas entre la bienveillance et la critique, qu’elle valorise des démarches minoritaires qui restent actives malgré les tourments du monde et contestent
les systèmes de production de valeurs, est un enjeu curatorial apparaissant aujourd’hui plus que jamais nécessaire ».
Guillaume Désanges, commissaire et critique d’art.
Babi Badalov est représenté par la galerie Jérôme Poggi, Paris.
Infos pratiques :
Soul mobilisation
Babi Bidalov
jusqu’au 15 février