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Rencontre avec Alain Fleischer, directeur du Fresnoy, Nuit Blanche

Alain Fleischer est plasticien, cinéaste, romancier, photographe et dirige depuis 1997 le Fresnoy, Studio national des arts contemporains qu’il a fondé. Il vit entre Paris, le Fresnoy et Rome et conjugue sans relâche ces multiples activités. Nous le rencontrons dans le taxi qui le ramène à la gare après le vernissage au Fresnoy de Panorama 21, « les Revenants » sous le commissariat de Jean Hubert Martin, historien de l’art, conservateur d’institutions et commissaire d’expositions.

Alain Fleischer est revenu sur cette aventure exceptionnelle et école du regard née d’une utopie, les nouveaux défis qui l’animent, ce qui fait la marque de fabrique d’un tel lieu, et sa riche actualité artistique en cours. Il est notamment au programme de cette Nuit Blanche !

© Alain Fleischer, Autant en emporte le vent, installation ADAGP, Paris 2018
  1. Genèse de Panorama 21, les Revenants

Jean Hubert Martin a eu une entière carte blanche et a su comme ceux qui l’on précédé, déceler un thème, une ambiance dominante, à savoir « les Revenants », ces spectres, cette présence spirite qui parcourt les propositions artistiques de cette promotion.

Mais au-delà de cette orientation choisie par Jean-Hubert Martin, ces œuvres très belles parlent elles-mêmes et font appel, comme il l’a souligné à des matériaux traditionnels, comme le verre, la céramique, ce qui assez étonnant dans une école dominée par les nouvelles technologies, les nouveaux supports virtuels. Cette résurgence d’une matérialité couplée à un dispositif technologique sophistiqué rend ces œuvres inhabituelles et très originales. J’ai vu aussi apparaitre des formes nouvelles inspirées par la biologie, la science..  dans ce panorama captivant !

Claire Williams – Zoryas – Panorama 21 – Les Revenants – Le Fresnoy – Studio national d’art contemporain © DR

2. Qu’est ce qui fait, selon vous, la signature unique du Fresnoy ?

Ce qui est singulier aux œuvres du Fresnoy est leur accomplissement, leur achèvement. Aucune œuvre n’est approximative, à l’état préparatoire de maquette ou prototype. Un tel aboutissement  tient à la qualité de l’accompagnement technique et artistique. On pousse les étudiants à la fois intellectuellement et techniquement à aller jusqu’au bout de leur projet et à le finaliser avec une grande exigence. Cela me semble l’une des caractéristiques les plus visibles des œuvres du Fresnoy.  Beaucoup de jeunes artistes qui sortent de l’école ont des trajectoires remarquées que ce soit à travers des prix (Marcel Duchamp), des résidences (Villa Médicis, Casa Velazquez..), des expositions comme Hicham Berrada au Louvre Lens ou Clément Cogitore auteur de nombreux films récompensés. Je dois souligner que tout le mérite n’en revient pas qu’au Fresnoy, ces jeunes artistes ayant déjà une formation antérieure qu’ils viennent compléter ici.

Si leur passage ici est décisif il tient à notre processus de sélection à la fois en terme de projet, de motivation, d’idées.  Nous les aidons à franchir ce pas et à réaliser certains projets à échelle 1 et à présenter des œuvres immédiatement diffusables dans le monde de l’art. 

Aucun jury n’est parfait ni impartial et même s’il nous est arrivé de laisser passer des candidats qui se sont révélés par la suite très bons, nous avons maintenant acquis une expertise pour discerner les talents et potentiels. Si on juge de prime abord sur dossier ce qui est toujours approximatif et partiellement réducteur, la rencontre avec le candidat dans un vrai dialogue est l’étape clé.

Notre impact se mesure également à l’extérieur. Nous diffusons beaucoup et sommes très sollicités dans ce sens à la fois en France et à l’étranger. Cette année quatre pays rendent hommage à notre production.

Enfin il y a un effet d’entrainement et d’entraide entre les étudiants. Comme une communauté, une famille par le biais du réseau des anciens très actif.

Notre vocation est de professionnaliser les étudiants, c’est-à-dire les mettre face à leurs responsabilités, leurs obligations, face à certaines règles dans le cadre de la production d’œuvres avec de l’argent public ce qui est notre cas et aussi leur inculquer le respect de leurs propres œuvres et ambitions.

Mais nous restons assez en retrait du marché de l’art. Je me méfie de ces effets de mode, ces œuvres immédiatement repérées, digérées, diffusées à grande échelle.

Happy days with La Maja, 1986, Alain Fleischer

3. Fonctionnement et budget du Fresnoy

Le Fresnoy est depuis toujours co-financé par le ministère de la culture et par la Région avec une participation de la ville de Tourcoing. Il nous est arrivé d’avoir des légères baisses étant donné les difficultés économiques de chacun qui peuvent nous impacter même si fondamentalement le financement du Fresnoy est assuré sans rupture et sans désaveu des différentes autorités politiques.

4. Une utopie en marche ?

Je dois dire que le projet que j’ai imaginé au départ s’est réalisé très exactement. Je ne pouvais donc m’en plaindre qu’à moi-même en cas d’échec ! Les choses se sont faites comme je les avais proposées y compris dans leur dimension utopique et je suis heureux de constater leur pérennité. C’est certainement l’une des raisons pour laquelle nos tutelles ont continué à nous soutenir.

Alain Fleischer, l’homme dans les draps, 2003 vidéo ADAGP

5. Votre travail d’artiste et prochains projets

Cela n’est pas toujours simple de tout concilier et il y a des choses que j’ai du reporter à plus tard ou réévaluer comme la réalisation de films de fiction, une économie trop lourde pour être compatible avec une activité autre même si j’ai continué à tourner au Fresnoy de nombreux films documentaires sur l’art, les musées, les artistes (250 au total).

J’ai aussi remplacé l’activité de réalisation de films de longs métrages par l’écriture de livres de littérature, plus facilement envisageable en parallèle, au total une cinquantaine depuis mon arrivée ici.

J’ai eu récemment des expositions personnelles à Enghein  (centre des arts), à Toulon (HDA) ou à Nice (musée de la photographie). Quant à Paris après un projet prévu au Palais de Tokyo et interrompu suite au départ de Jean de Loisy, je prépare pour l’année prochaine une grande rétrospective personnelle au Centquatre.  Elle rassemblera mon travail d’artiste, de photographe,  d’écrivain et aussi  de cinéaste. José Manuel Goncalvès qui a été le commissaire de Panorama en 2018, a découvert mon travail et décidé que c’était le moment de le présenter en grand. Même si j’avais été exposé à la MEP en 2007 et à Beaubourg en 2003, c’est pour moi un évènement important. Je vais pouvoir dans ces magnifiques espaces très polyvalents montrer des installations à grande échelle, de grandes séries de photographies, des performances et des films.

Infos pratiques :

Panorama 21,

Les Revenants

Jusqu’au 29 décembre

Alain Fleischer est représenté par la galerie Françoise Paviot 

Actualités :

L’image qui revient, Nice

Musée de la photographie Charles Nègre

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