Photo : Martin Argyroglo
Nous avions rencontré Xavier Franceschi, directeur du Frac Ile-de-France en juin 2018 (@9Lives magazine) et il nous confiait son envie de soumettre le choix des œuvres de la collection (1700 au total) exposées au Frac Rentilly au fruit du hasard par un système de tirage au sort. Après la Lettre L, l’opération a été reconduite avec cette fois la lettre D. Autre actualité le commissariat offert à l’artiste Benoît Maîre pour le Plateau qui signe une très belle exposition collective « le Foncteur d’oubli » ainsi que le prochain déménagement des réserves à Romainville dans le cadre du projet Komunuma qui offrira un regard inédit sur les coulisses de la collection.
- Commissariat de Benoît Maire, genèse et enjeux
Je connais Benoît Maire depuis longtemps et j’ai pu apprécier son travail depuis ses toutes premières expositions. Nous avons du reste acquis plusieurs de ses œuvres pour constituer un ensemble assez conséquent au sein de la collection du Frac. Ce qui m’a toujours interpellé est sa faculté d’ouverture, sa curiosité vis-à-vis des artistes, tous champs artistiques confondus, voire vis-à-vis d’autres disciplines comme la philosophie dont on sait que dans son propre travail elle constitue une sorte de matériau en soi. Dans le prolongement de nombre de projets que nous avons faits consistant à inviter un artiste à faire un commissariat, je pressentais chez Benoit Maire cette faculté de venir proposer des choses inattendues et inédites. Je n’ai pas été déçu. En un sens, il me semble que sa proposition, l’exposition en elle-même, est à concevoir à part entière comme une œuvre de Benoît Maire.
- Rentilly, la lettre D
Il me semble que c’est une forme d’obligation, quand on se trouve à la tête d’une collection comme celle d’un Frac, que de faire vivre toutes les œuvres qui la composent et notamment celles acquises avant son arrivée.
Selon le protocole reconduit suivant un tirage au sort ouvert à tous via un plugin sur le site internet du Frac c’est la lettre D qui détermine cette fois le choix des artistes et des œuvres exposés. L’idée est de faire abstraction de toute thématique et de tout discours, ce qui conduit souvent malheureusement à ce que les œuvres ne fassent qu’illustrer un propos. Ce qui est également intéressant, c’est de donner à voir des œuvres d’artistes très connus et d’autres moins connus ou oubliés, dans un contexte où les hiérarchies tombent. Il n’y a donc pas de fil conducteur si ce n’est de jouer avec des contrastes, des rapports entre les œuvres et l’espace imparti. L’un des défis liés à la proposition, sachant que l’on se retrouve du coup avec un corpus d’œuvres totalement disparates, est précisément de tirer au mieux parti des espaces existants pour au final présenter une
exposition qui se tienne… La première fois que j’avais lancé ce protocole, c’est la lettre L qui était sortie et j’avais adopté un parti pris plus radical consistant à aligner toutes les œuvres par ordre alphabétique. Ici, certaines œuvres avaient besoin d’un contexte de monstration très précis et j’ai dû procéder autrement. Pour revenir au principe adopté et à cette règle préétablie, la démarche n’est pas sans risque : Il n’y a pas d’artiste dont le nom commence par U dans la collection… Pour autant, je n’exclue pas à l’avenir, de rejouer le jeu…
- Komunuma
Cela fait plus de 25 ans que le Frac Ile-de-France recherche des réserves pour mettre fin à une situation très inconfortable, nos collections (1700 œuvres au total) étant entreposées dans des espaces de location saturés et peu adaptés. Le projet à Romainville est avant tout l’aboutissement de ces recherches et s’inscrit de surcroît dans un contexte très porteur. Nous participons en effet à un projet collectif qui regroupe plusieurs acteurs : 4 galeries, l’association Jeune Création et la fondation Fiminco, sur un site exceptionnel de l’usine historique de Roussel-Uclaf/Sanofi à Romainville. Le public pourra ainsi voir sur une même visite des choses très différentes entre les galeries, les ateliers résidences, les artistes émergents et ce que nous allons proposer avec le Frac sur un bâtiment de 2000m², le seul à être construit sur le site.
Au-delà des espaces de réserves où la collection sera conservée, un espace ouvert au public sera dédié à la présentation d’œuvres. Et, de façon inédite, le public aura la possibilité d’en réserver pour qu’elles lui soient présentées, commentées, expliquées. Ce sera totalement inédit. J’aime cette idée qu’à partir d’une collection publique on engage un processus visant à ce que le public s’approprie réellement les œuvres. Il ne s’agira pas à proprement parler d’exposition, les œuvres seront présentées de façon autonome, telles quelles, et on pourra se concentrer très précisément sur ce qu’elles sont, sur les artistes qui les ont créées, etc. Ce sera aussi une façon de considérer une œuvre par sa réalité toute physique, de percevoir et comprendre ce que cela signifie, très concrètement, au sein d’une collection comme la nôtre.
De voir ce que cela induit comme travail, notamment pour la conserver, etc. Ce sera une
manière d’aborder ce qu’en général on ne perçoit pas et qui pourtant est absolument
essentiel quand on parle d’art, d’œuvres d’art.
- Fiminco, un partenariat public-privé inédit
Il sera assez exemplaire autour d’acteurs très différents comme nous l’avons souligné. Ce modèle totalement inédit aura des répercussions sûrement très fortes dans un mouvement vers l’extérieur de Paris déjà impulsé par les galeries. Dans dix ans nous verrons un paysage totalement bouleversé en matière d’art contemporain en Ile de France et il est inscrit dans les gênes du Frac de travailler à ces défis.
- Le Grand Paris de l’art
J’ai défendu depuis plusieurs années l’enjeu de développer en Ile de France un Frac multi-
sites, non pas un seul bâtiment qui regroupe tout, ce qui peut parfaitement s’entendre dans d’autres régions, mais qui ne me semble pas adapté à ce qu’est l’Ile-de-France. Nous avons d’une part le site historique, du Plateau, lieu modeste en terme de taille, mais dynamique et très reconnu pour sa dimension prospective, Rentilly en grande banlieue sur le territoire de la Seine et Marne pour monter des expositions avec les œuvres de la collection et d’autres collections (comme récemment l’IAC Villeurbanne) et maintenant Romainville en plus proche banlieue avec une autre fonction dans un nouveau rapport à la collection. C’est intéressant de pouvoir travailler dans ces différents contextes et du coup de toucher des publics diversifiés. De cette façon, le Frac incarne structurellement ce rapport étendu au territoire qui est l’une de ses missions premières.
A suivre : Interview de Benoît Maire.
Infos pratiques :
Foncteur d’oubli, Benoît Maire
avec :
Atelier van Wassenhove, Nina Beier, Karina Bisch, Théophile Blandet, Nicolas Boone, Marcel Broodthaers, Maurizio Cattelan, Etienne Chambaud, Bastien Cosson, Eric Croes, Jean Derval, Nathanaël Dorent, Simon Dybbroe Møller, Diego Giacometti, Eileen Gray, Michel Herreria, Agata Ingarden, Cooper Jacoby, Tarik Kiswanson, Max Lamb, Marie Lund, Robert Mallet-Stevens, Martinez Barat Lafore Architectes, Mélanie Matranga, OrtaMiklos, Julien Monnerie, Cécile Noguès, Christopher Orr, Rikkert Paauw, Gaetano Pesce, Studio Anne Holtrop, Naoki Sutter-Shudo, Oscar Tuazon, Octave Vandeweghe, Raphaël Zarka, expressions naturelles, céramiques d’une collection privée
jusqu’au 8 décembre
Exposition D
jusqu’au 22 décembre
avec :
Stéphane Dafflon, Bady Dalloul, Richard Davies, Jean Daviot, Lieven De Boeck, Jos De Gruyter& Harald Thys, Willem de Rooij, herman de vries, Olivier Debré, Philippe Decrauzat, Koenraad Dedobbeleer, Christine Deknuydt, Léo Delarue, Anne Deleporte, Denicolai & Provoost, Marc Desgrandchamps, Angela Detanico & Rafael Lain, Fred Deux, Marc Devade, Livia Deville, DeYi Studio, Guillaume Dégé, Philip-Lorca diCorcia, Erik Dietman, Martin Disler, Thea Djordjadze, Jason Dodge, Florence Doléac, Kaye Donachie, David Douard, Dunne & Raby / Michael Anastassiades, Jérôme Dupin, Simon Dybbroe Møller