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La collection Tati d’Azzedine Alaïa, retour sur une vision avant-gardiste

Alors que l’Upcycling est la dernière tendance chez les trendy fashionistas, MERCI enseigne bien connue du marais, propose dans son exposition de rentrée les fameux sacs Tati customisés éco-responsables. Mais le premier à avoir mis en avant ce motif à carreau devenu iconique est Azzedine Alaïa.

La galerie Azzedine Alaïa rue de la Verrerie revient sur cette fascinante aventure entre le couturier, l’enseigne de Barbès et l’amitié avec l’artiste Julian Schnabel.

Naomi CAMPBELL, 2010 réédité pour Art Basel Miami 2010
Marqueur acrylique, pastel, Collection Alaïa, Été 1991
© Thierry Perez


Au début des années 1980, Azzedine Alaïa peut se vanter d’avoir conformé la mode à ses aspirations fortes. La rue s’est emparée de ses intuitions, adoptant en masse les caleçons, les robes moulantes dont il a raffiné la coupe et étendu les possibles. Il a écrit la mode de cette décennie. Pour qui sait tailler un vêtement comme personne, il n’y a pas de matériaux méprisables. Les tissus nobles, les peaux, les cuirs ou les cotons modestes ont chacun leurs vertus qu’il convient de suivre. Au printemps-été 1991, inspiré par les tableaux de Julian Schnabel, Alaïa utilise le carreau rose et blanc de l’enseigne Tati, connue pour ses produits démocratiques. « C’est arrivé grâce à mon ami Julian Schnabel. Il voulait de la toile de bâche avec le fameux gros motif pied-de-coq. Ce motif, en réalité, était celui du store des magasins Tati”. Avec ce motif vichy décuplé dans la bâche tenace ou dans le jean, Alaïa donne une nouvelle interprétation de la mode. En veste large, en blouson court et ajusté, en casquette de titi, en pantalon cigarette obsessionnel ou en short de pétroleuse, le rose et blanc, écossais de peu, claque avec insolence. Enforme de pied-de-nez aux conventions, il consacre l’aristocratie de chacun, qu’elle soit de faubourg ou de boulevard.

Pour la quatrième exposition en ses murs, l’Association Azzedine Alaïa a choisi de réunir l’ensemble des modèles de cette collection demeurée iconique dans le parcours du couturier. Présentée sous la verrière, là où les expositions restituent aujourd’hui la mémoire d’Alaïa, la collection Tati impose une force plastique née du motif vichy décuplé à grands volumes. Située tôt dans les années 1990, à un moment où les créateurs de mode n’étaient pas sollicités comme par le futur par des marques de grande diffusion, la collection, vive et joyeuse, allie exigence des volumes couture que seul Alaïa maîtrisait et démocratisation des modes avant l’heure. Comme Schnabel peignant sur la bâche raide devenue canevas pour ses toiles, Alaïa fait naître des vêtements dans le souvenir des sacs que les voyageurs modestes en partance pour Tunis empoignaient à pleines mains. Quelle ne fut pas la joie du couturier lorsqu’il apprit que le fondateur de Tati était lui-même tunisien d’origine ! De concert, Alaïa dans ses salons de la Verrerie, Tati dans ses locaux à Barbès, s’unirent le temps de cette collection historique. Alaïa fit monter la rue dans les salons précieux de sa haute couture. En retour d’une collaboration amicale autant qu’artistique, l’enseigne de tout un chacun, Tati, demanda au couturier un sac, une paire d’espadrilles et un tee-shirt. Ce fut le premier grand succès d’une si singulière union, traçant le chemin pour une multitude de collaborations à venir. L’exposition, qui débute lors de la semaine de haute couture et s’achève en janvier 2020, est une possibilité de présenter à nouveau les modèles, les corsets, les blousons, les caleçons qui ont affûté le style Alaïa, l’ont précisé et divulgué au plus grand nombre de ses admirateurs.

Commissaire : Olivier Saillard

PLAYGIRL
Naomi Campbell, Los Angeles, 1991
© Ellen von Unwerth

Infos pratiques :

Azzedine Alaïa, une autre pensée de la mode

Galerie & librairie

18 rue de La Verrerie, Paris

jusqu’au 5 janvier 2020

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